Cent mille ans

100 000 ans, il faut se rendre compte de l’échelle. Depuis Jésus-Christ, il s’est écoulé un peu plus de 2000 ans soit à peine un peu plus de 2% de 100 000 ans. Et ces 100 000 ans représentent la durée pendant laquelle il sera nécessaire de gérer nos déchets nucléaires ! Le chiffre est vertigineux et pose des problèmes inédits comme le choix des solutions à adopter pour qu’au fil des siècles et des millénaires nos descendants disposent de toutes les informations requises pour assurer la gestion de ces déchets que nous leur aurons si gentiment légué. Evidemment, ce n’est pas le problème le plus urgent à résoudre, il y en a bien d’autres, plus prosaïques, qui se posent dès maintenant. Comme la stratégie de stockage, les technologies à utiliser et, une fois cela établi, le délicat choix du lieu. Il y a des critères scientifiques à considérer comme le type de sol – il vaut mieux éviter de les enfouir dans une région à forte activité sismique tant qu’à faire – mais aussi bien d’autres considérations comme le fait que personne n’a vraiment envie d’accueillir ces poubelles radioactives à longue durée près de chez lui. Et là, il faut employer des techniques d’un autre ordre, disons plus politiques – au sens large – que scientifiques. Informer et convaincre sont les parties émergées de l’iceberg qui, selon cette enquête, en compte bien d’autres comme de l’incitation dans différentes gradations allant de l’octroi d’avantages divers et variés à la menace. Et c’est là le coeur de l’enquête menée par les journalistes Gaspard d’Allens et Pierre Bonneau et présentée sous la forme d’une bande dessinée réalisée par Cécile Guillard. ...

27 août 2021 ·  BD

La Légèreté

La Légèreté est l’équivalent du Catharsis de Luz ou du Lambeau1 de Philippe Lançon par Catherine Meurisse, c’est-à-dire sa réaction et sa tentative de reconstruction suite au massacre de Charlie Hebdo lors duquel un grand nombre de ses collègues et amis ont été sauvagement assassinés. Sa thérapie passe par la beauté, elle formule l’hypothèse que faire une overdose de beauté pourrait la sauver de l’overdose d’horreur qu’elle vient de vivre. ...

24 juil. 2021 ·  BD  ♥

Le choix du chômage

Quelle surprise de découvrir cet ouvrage au titre qui interpèle. Que peux bien signifier le choix du chômage ? Ma compréhension – j’insiste sur le fait que je ne suis pas sûr d’avoir bien compris, car sans me trouver d’excuses, et nous y reviendrons, le sujet n’est pas facile – est que le chômage a été et est en France une variable d’ajustement, un mal nécessaire – ou un mal qui a été jugé comme nécessaire. La France a dû choisir – ou n’a pas eu le choix, je ne sais pas trop – d’emprunter sur les marchés pour se financer. Cette décision, quelle qu’en soit sa motivation, a érodé la souveraineté de la France en l’assujettissant aux lois du marché. Et les marchés ne goutent guère l’inflation qui nuit à la compétitivité. Et pour limiter l’inflation, rien de mieux qu’un taux de chômage élevé pour limiter les hausses de salaire et par là même l’inflation. Un schéma un peu différent, mais aboutissant aux mêmes conséquences, a pris le relais avec la naissance de l’Europe, l’adoption de la monnaie unique et la mise en place de règles budgétaires ayant mené à ce qui a été appelé l’austérité. ...

13 juin 2021 ·  BD  ♥

L’Inconnu de la poste

Dès que j’ai vu le nom de Florence Aubenas associé à un fait divers, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ces quelques lignes à la fin d’un article de Libération signé par la journaliste qui ont éveillé la curiosité d’Emmanuel Carrère pour l’affaire Jean-Claude Romand et qui ont donné lieu à l’un des tout meilleurs livres, L’Adversaire, traitant d’un crime depuis celui que l’on cite toujours lorsque l’on évoque ce type d’ouvrage, le De sang-froid1 de Truman Capote. La comparaison s’arrête là. L’Inconnu de la poste n’est pas dans une oeuvre qui restera dans l’histoire, mais un livre qui n’a pas cette ambition et qui se contente plus modestement de relater des faits qui de par leur nature ne nécessitent pas d’adjonctions pour intéresser le lecteur. ...

23 févr. 2021 ·  Noir  ♥

Journal d’un journal

J’ai lu cette BD de façon anachronique. C’est-à-dire en 2017 alors qu’elle est sortie en 2011 – et je publie cet article en 2021. Depuis le temps, force est de constater que Mathieu Sapin a fait du chemin. Notamment sur le plan du dessin. À côté de ses derniers livres, Gérard et Le Château ce Journal d’un journal ressemble à un brouillon. On voit les prémisses de ce qu’il a n’a eu de cesse de développer par la suite avec beaucoup de talent. Cette remarque ne concerne pas que le dessin, mais plus globalement, le style, la narration. Ce mélange de documentaire, d’anecdotes et d’humour qui fait merveille est déjà présent, mais encore en gestation. Il utilise beaucoup le procédé, qui fonctionne plutôt bien, du contraste entre ce qu’il dit et ce qu’il pense – en utilisant les différents types de phylactères, ceux exprimant les pensées et ceux exprimant les paroles. ...

10 févr. 2021 ·  BD

C’est quoi, un terroriste ?

Doan Bui est journaliste à L’Obs spécialisée dans le “terro”. Elle s’est associée à la dessinatrice et auteur de BD Leslie Plée – dont j’apprécie tout particulièrement le travail depuis Éloge de la névrose en 10 syndromes – pour réaliser cet ouvrage. Le sujet principal est le procès d’Abdelkader Merah, mais par un travail de journaliste, un témoignage et une réflexion elle va plus loin en s’interrogeant plus largement sur le terrorisme et sur le rôle et la place des journalistes face à ce fléau. ...

9 déc. 2020 ·  BD  ♥

Le Sillon

Lorsque j’ai appris que Le sillon de Valérie Manteau avait été couronné par le prix Renaudot, je suis retourné à la bibliothèque pour l’emprunter à nouveau. J’en avais entendu parler à La Dispute et j’avais lu une centaine de pages avant de devoir le rendre. Ce n’était pas par manque d’intérêt, mais parce que je lisais en même temps à ce moment-là L’Origine de la violence. Je n’avais donc tout simplement pas eu le temps de le terminer et l’attribution de ce prix m’a renforcé dans l’idée que j’étais peut-être passé à côté de quelque chose. En un sens oui, mais à la fois pas vraiment. ...

En avant, route !

Décidément je fais dans le Gonzo journalisme religieux après L’année où j’ai vécu selon la bible, me voici désormais sur la route direction Saint-Jacques de Compostelle en compagnie d’Alix de Saint-André. Alix de Saint-André est une journaliste de presse écrite qui avait officié quelques temps à la TV en tant que chroniqueuse. Elle nous raconte avec beaucoup d’humour parfois sarcastique mais toujours drôle, ses pèlerinages – ce n’est pas une erreur elle en fait plusieurs. Même si elle est issue d’un milieux religieux, elle ne se gène pas pour égratigner ses compagnons de voyage. On a droit à quelques bons moments et le franc-parler de la journaliste fait merveille. C’est vrai que c’est un sacré personnage. Elle râle, elle critique, elle fume cigarette sur cigarette et ne crache pas sur un bon apéro. ...

L'année où j'ai vécu selon la Bible

Après s’être attaqué à la gigantesque encyclopédie Britannica, A.J. Jacobs, journaliste pour le magasine Esquire, s’est attaqué à un autre monument. Je parle bien évidemment du livre parmi les livres: La Bible. L’auteur a décidé de vivre pendant un an selon les préceptes du livre saint. Il expérimente le littéralisme en appliquant les règles au sens strict. Suivre ces principes vieux de plusieurs milliers d’années dans le New York des années 2000 réserve quelques surprises et quelques situations cocasses. Porter une barbe, une robe blanche à laquelle – la robe pas la barbe – sont accrochés des pompons attire évidemment quelques regards interrogateurs. Il n’est pas non plus facile de garder des moutons ou de pratiquer la lapidation en plein Central Park. Mais, il est encore plus difficile d’éviter les mauvaises actions que tout citadin pratique avec assiduité et une régularité d’horloger chaque jour: ...

Le Pingouin

Victor est un écrivain qui partage un T2 avec un animal de compagnie original prénommé Micha. Victor a recueilli ce pingouin lorsque le zoo de Kiev a rencontré quelques difficultés pour nourrir ces pensionnaires. Micha a donc trouvé asile dans le T2 exiguë de Victor. Si celui est plutôt modeste, il bénéficie tout de même d’une baignoire permettant au pingouin de prendre des bains d’eau froide salvateurs. Car un pingouin n’est pas habitué à subir la chaleur ukrainienne – mettre chaleur et Ukraine dans la même phrase c’est quand même étrange. Le Pingouin attire tous les regards mais n’est pas devenu pour autant le porte bonheur de son maître en matière d’écriture, sa carrière ne décolle toujours pas. Pour se nourrir, Victor accepte une proposition d’un genre particulier du journal la Stolitchnaïa. Le travail qui lui est demandé est surprenant mais plutôt bien payé et pas très compliqué. Il s’agit de rédiger des nécrologies qu’il appelle ses “petites croix”. Ce n’est pas très passionnant ni valorisant mais ce travail ne le dérangerait vraiment pas si ce n’était un petit détail qui lui trotte dans la tête. Les personnes qu’il honore de sa prose ne sont pas encore mortes … ...