Je suis un grand fan de minimalisme, d’épure et de simplicité. Avec La couleur des choses je suis servi, les personnages sont représentés par de simples disques de couleur, une légende indiquant simplement leur nom lors de leur première apparition. La narration par contre est sophistiquée, si la majorité des planches sont des vues de dessus, on trouve aussi de nombreuses infographies – je n’ai pas trouvé de meilleure appellation – et Martin Panchaud se sert de ce qu’il convient d’appeler des schémas pour matérialiser, par exemple, la différence entre le fil narratif principal et une alternative possible naissant dans l’esprit de l’un des protagonistes. Tout ceci pourrait paraître bien compliqué, mais il n’en est rien. La narration est étonnamment facile à suivre – comme si c’était quelque chose d’habituel – et chaque planche est un régal pour les yeux et pour le cerveau. Le souci du détail est constant, tout est équilibré, calculé, léché, un côté perfectionniste qui fait penser à Chris Ware.
Alors est-ce juste une expérience de plus en bande dessinée, une coquetterie ? Je dirais que non. L’utilisation des ronds de couleur pour représenter les personnages est une sorte de pas de côté – vers le roman – par rapport à l’art graphique de la bande dessinée. De ce fait, le lecteur ne peut pas faire le lien entre l’apparence d’un personnage et son comportement, ce que l’on appelle physiognomonie – qui fait que tous les méchants sont moches et les héros sont beaux. Donc rien à dire sur ce plan, le côté expérimental que l’on pourrait redouter n’est pas du tout un problème, au contraire, c’est le gros point fort du livre. Le problème est plus à chercher du côté de l’histoire qui s’essouffle un peu au bout d’un moment. Seul le plaisir de la découverte des planches qui rivalisent d’intelligence et de créativité pousse à terminer la lecture.
Martin Panchaud. La couleur des choses. Ça et Là, 2022.