Un peu – ou beaucoup – de mauvais esprit ça fait du bien de temps en temps. Ernestine a 9 ans et est la benjamine d’une famille qui vit dans une belle maison. Son père est un artiste raté – ou juste feignant –, son frère n’est pas très dégourdi – il a peut-être été exposé aux écrans avant l’âge de 3 ans – et sa mère – névrosée flirtant gentiment avec l’alcoolisme – se démène pour maintenir sa petite famille à flot.
- Euh, je suis pas au chômage. Je suis artiste peintre.
- Oui bon, c’est pareil.
Quant à notre héroïne, elle est particulièrement précoce et intellectuelement très en avance – elle lit Sartre et Courrier International –, à tel point qu’elle a dépassé le stade d’adulte pour atteindre directement celui d’adulte cynique et aigri – on pourrait aussi dire méchant sans la vexer.
T’as l’air tendue, maman. Tu veux une clope ?
Sous l’humour très second degré, dont le décalage est accentué par des dessins au style naïf – décalage qui n’est pas sans rappeler le travail d’Anouk Ricard –, on perçoit bien le malaise de la famille contemporaine, le père fuyant et la mère qui doit porter la famille à bout de bras alors qu’elle surnage à peine. Un peu de cynisme pour démarrer l’année, c’est parfait, très dans l’air du temps.
Salomé Lahoche. Ernestine. Même Pas Mal éditions, 2024.