Le titre de cette autobiographie en bande dessinée fait référence à des cendres dispersées au bord d’une falaise donnant sur l’océan – le décor est posé. Il y a tellement de romans graphiques autobiographiques que c’est presque devenu un sous-genre de la bande dessinée, mais celle-ci est particulière. Tout d’abord elle n’est pas consacrée qu’à son auteur, le talentueux artiste Ludovic Debeurme, mais à sa famille sur plusieurs générations. Sa construction est si originale et fragmentaire qu’elle en devient invisible, on est transporté d’un endroit à un autre, d’une époque à une autre, le plus naturellement du monde comme si l’on suivait la pensée de l’auteur. Enfin, sur le plan graphique, elle est faite uniquement de dessins à l’encre et de textes manuscrits. Le tout est d’une élégance rare, les belles courbes vont du dessin au texte et le fils a certainement réussi à atteindre le rêve de son père qui était peintre.

Mon père avait une obsession pour les courbes.

Le prix à payer pour réussir un telle prouesse est de renoncer à toute pudeur. Il faut se mettre complètement à nu et tout raconter, les joies comme les peines, les réussites comme les échecs, les débuts comme les fins. Cet équilibre est parfaitement trouvé et balancé par cette narration onirique qui nous fait passer de moments très durs à des moments de pure grâce. Cette oeuvre semble à ce point personnelle qu’elle a dû tenir lieu de thérapie pour son auteur car il a, pour la réaliser, remué profondément son passé. Il parle aussi de son lien avec la nature. Initié par une mère écologiste précoce, il y revient à l’âge adulte, en quittant son statut de citadin pour celui de villageois et plus simplement d’habitant de la nature – un cheminement qui a une résonance particulière pour moi.

Les villes, d’une certaine façon, redeviendront des villages. Les villages redeviendront des lieux de vie. Et je l’espère, les frontières avec la nature seront devenues si floues que nous en serons les habitants.

J’ai rarement lu quelque chose d’aussi beau, poétique et émouvant. J’y ai pensé longtemps après ma lecture et je pense que je ne l’oublierai pas. En prime, j’ai découvert un grand artiste dont je lirai certainement d’autres oeuvres.

P.-S.: Un grand merci à mes deux amis, Gilles et Lionel, pour ce merveilleux présent.


Ludovic Debeurme. La cendre et l’écume. Cornélius, 2022.