L’objectif d’Elon Musk est à la fois très simple et très ambitieux, il veut sauver l’humanité. Pour cela, il lutte contre le réchauffement climatique en proposant des voitures (et d’autres produits) électriques, il tente depuis le début de contrôler l’intelligence artificielle en créant très tôt OpenAi et plus récemment via sa société dédiée xAI, prépare ardemment l’arrivée des humains sur Mars grâce à ses fusées SpaceX et il a contribué généreusement à la perpétuation de l’espèce humaine en ayant 11 enfants – et non, le rachat de Twitter ne rentre pas vraiment dans son plan, il s’est un peu emballé, mais va l’utiliser comme un mégaphone planétaire pour diffuser ses idées. Il dirige lui-même toutes ses entreprises et les fait avancer à un rythme infernal – il est doté d’un “mode démon” qu’il active souvent – et leur applique l’algorithme en 5 étapes auquel il a donné son nom afin d’optimiser chaque produit et processus de fabrication.

  1. Remettez en cause toutes les conditions requises.
  2. Éliminez toutes les parties éliminables du processus technique.
  3. Simplifiez et optimisez.
  4. Raccourcissez les cycles.
  5. Automatisez.

Il est lui-même ingénieur et cette profession est au centre de son dispositif, ils dirigent, mais doivent aussi se salir les mains en étant au plus proche des ouvriers, il installe par exemple leur bureau au plus près des chaînes d’assemblage pour qu’ils constatent par eux-mêmes le résultat de leur travail.

Tony [un ingénieur travaillant sur les tuiles solaires chez Tesla] rappelle qu’il est ingénieur et ne monte pas lui-mème sur les toits pour réaliser les installations. “Alors tu es à la ramasse et tu ne sais pas de quoi tu parles ! réplique Musk. Voilà pourquoi tes toits sont merdiques et prennent tant de temps à être installés”.

En ce sens, et malgré ses nombreux défauts, il peut être une source d’inspiration pour tous les ingénieurs comme le concède un autre grand entrepreneur, Bill Gates.

Vous pouvez réagir comme vous voulez au comportement d’Elon [cette phrase fait suite à une diatribe de Musk contre l’ancien patron de Microsoft], relève-t-il, mais à notre époque personne d’autre que lui n’en a autant fait pour repousser les limites de la science et de l’innovation.

Il n’hésite jamais à prendre des décisions engageantes, à prendre des risques et à les assumer, mais n’a aucun aucun scrupule à se débarrasser de ses collaborateurs.

La poussière retombée, il apparaît qu’environ 75 % des effectifs de Twitter on été supprimés. L’entreprise comptait presque 8000 employés lorsque Musk l’a reprise le 27 octobre [2022]. À la mi-décembre, ils ne sont plus qu’un peu plus de 2000.

Il est animé par un sentiment d’urgence car il sait que son temps est compté s’il veut atteindre Mars.

Nous devons aller sur Mars avant ma mort.

Il n’est que très peu question de politique dans ce livre qui ne va pas au-delà du printemps 2023. Il est bien fait mention de son adhésion de la première heure aux thèses libertariennes, de son soutien aux précédents candidats démocrates, de son avis pas très flatteur du Donald Trump premier mandant, de sa brouille avec Joe Biden, mais aussi évidemment l’émergence de son positionnement farouchement anti-woke, mais pas de son basculement sur la scène politique via son soutien massif à Trump. Cette nouvelle phase mériterait donc un second tome car il semblerait qu’il ait trouvé en s’approchant du pouvoir – c’est un euphémisme – une façon d’accélérer encore plus les choses, il pourrait passer à une vitesse encore supérieure en agissant directement au niveau de l’État fédéral le plus puissant du monde.

Il est vrai qu’il est excentrique, mais comme il le dit, est-ce qu’en plus de diriger 6 sociétés, de faire décoller et atterrir des fusées, il faudrait qu’il soit normal. Si l’on met de côté la politique, je trouve plutôt bien d’avoir un ingénieur rock star qui oeuvre pour que la science et la technologie occupent à nouveau le devant de la scène.

Quant au livre, il est passionnant et se dévore, même s’il est très long. C’est lié à la fois à l’épopée industrielle – et aux fresques d’Elon – mais aussi au talent de biographe de Walter Isaacson qui n’en est pas à son coup d’essai avec les icônes de la tech puisqu’il avait écrit la biographie d’un autre géant du domaine, Steve Jobs.


Walter Isaacson. Elon Musk. Fayard, 2023.