Les romanciers s’emparent volontiers des sujets qui font l’actualité. L’écologie en est un dont on ne parle certainement pas assez. Après Humus de Gaspard Koenig qui s’intéressait à l’agronomie, Abel Quentin revient à l’origine, à ceux qui très tôt avaient prévu la catastrophe, les lointains ancêtres des membres du GIEC.
Il était effarant de lire un livre vieux de cinquante ans qui disait tout.
Tout figure en effet dans le rapport Meadows1. En s’appuyant sur la théorie des systèmes et à l’aide de moyens informatiques rudimentaires, quatre scientifiques, tels des cassandres, avaient prévu la crise. Mais publier et avertir n’a pas suffi à arrêter une machine qui s’était déjà emballée, il n’y a qu’à voir le mal qu’on les États à infléchir ne serait-ce qu’un tout petit peu la route qui mène tout droit vers la catastrophe lors des COP climat.
Pourquoi? Parce que nos braves économistes ont décidé, quelque part au XIXème siècle, que les ressources naturelles étaient inépuisables. Ces gens-là pensaient que la nature était… comment dire ? Un plateau de jeu de société. Un espace théorique, qui ne peut pas être altéré. Voilà, c’est ça. Or la nature n’est pas un espace théorique. Elle n’est pas non plus un magasin dans lequel on peut puiser éternellement, et qui serait réapprovisionné à l’infini. C’est une putain de planète, ronde comme une boule à facettes, d’une superficie qu’on ne pourra jamais augmenter.
Très bonne idée de s’emparer de ce sujet, mais Abel Quentin a choisi – par praticité certainement – de remplacer les personnages réels – à commencer par les auteurs du rapport – par des personnages de fiction. Pourquoi pas, et bien que ce soit troublant pour puisqu’il est difficile de faire le tri entre ce qui relève de la réalité et de la fiction, on peut comprendre l’envie de s’octroyer une liberté totale dans l’écriture de son histoire. Mais il est peut-être allé un peu loin car il ne s’est pas contenté d’exploiter ce rapport, mais aussi d’autres éléments historiques de l’activisme écologique – je n’en dis pas plus pour ne pas divulgâcher. Que vient faire la cabane dans tout ça me direz-vous ? Eh bien en remontant encore plus loins que les années 70, peut-être jusqu’aux racines de la conscience écologique, on pense à Henry David Thoreau et au récit qu’il fit de son séjour au milieu de la nature, dans son Walden2.
J’aime beaucoup les livres incluant des éléments techniques, comme ceux d’Aurélien Bellanger, mais celui-ci rate un peu sa cible, peut-être à cause d’une trop grande ambition.
Abel Quentin. Cabane. L’Observatoire, 2024.