[…] refus de laisser l’État espionner ses citoyens, refus de laisser la grande entreprise marchandiser les communications personnelles et manipuler les désirs des gens, refus de tirer profit du travail d’autrui … des refus qui visent essentiellement à empêcher une idée formidable de s’évanouir: nous sommes anonymes et avons le droit de l’être.
Gabriella Coleman est une ethnologue dont la spécialité est le cyberactivisme. Elle s’est donc intéressée – de très près – au groupe de hackers Anonymous qui est connu du grand public grâce à leur principal signe distinctif, le masque de Guy Fawkes porté par V, le héros anarchiste de V pour Vendetta1.
Ce parallèle avec l’univers des super-héros2 est loin d’être anodin car les membres du groupe se sont donné pour mission de faire triompher la vérité et la justice en employant tous les moyens, légaux ou illégaux jusqu’à s’opposer à des États. Opposition qui fait penser au questionnement qui est le sujet de scénarios comme celui de Civil War – et son Super-Human Registration Act obligeant les super-héros à tomber le masque sous peine de condamnation – qui pose une question simple, peut-on laisser autant de pouvoir entre les mains d’un groupe aussi puissant agissant indépendamment de la supervision d’un État ou d’une organisation et dont l’identité des membres est secrète ? Je trouve que cette image permet de comprendre à la fois les motivations du groupe et l’extrême sévérité des États – au premier rang desquels figure les États-Unis – envers ses membres.
Pour réaliser ce livre, Coleman s’est immergée dans leur univers en s’efforçant de rester à la frontière de la légalité. Si le livre est un peu bavard, il a l’avantage d’être assez complet sur le sujet et nous ouvre les portes vers d’autres lectures: Ce qu’il reste de nos rêves consacré à Aaron Swartz, Mémoires vives3 à Edward Snowden ou encore l’un des livres de ou sur Julian Assange.
Gabriella Coleman. Anonymous: Hacker, activiste, faussaire, mouchard, lanceur d’alerte. Traduit par Nicolas Calvé, Lux, 2016.