Rosalie Stroesser n’est pas la première à raconter en BD son expérience au Japon, je pense par exemple à Manabé Shima – beaucoup plus riant et léger – ou aux Cahiers japonais – beaucoup plus techniques. Mais ce récit se distingue par un sentiment contrasté qu’elle exprime elle-même très bien dès le début du livre.

Comment évoquer cette relation particulière, toute en contradictions, que j’ai développée avec le Japon ? Ce mélange d’attirance et de rejet, cette fascination mêlée d’incompréhension. Et cette constante envie d’y retourner.

Cette expérience à deux faces confère de la profondeur à ce récit et le distingue de certaines niaiseries qui étalent sur des pages et des pages leur béatitude dépourvue d’esprit critique par rapport à tout ce qui touche à la culture japonaise. Elle représente aussi assez bien l’idée que l’on se fait du Japon, une culture qui force l’admiration, mais qui possède sa part sombre – comme le souligne peut-être les quelques pages fort intéressantes consacrées aux mythes fondateurs du pays. Enfin, les dessins brillent par leur élégance et leur sobriété, de la ligne claire et du noir et blanc préféré à la couleur. Un récit qui vient compléter de belle manière ce que l’on peut lire sur le Japon – il n’y a maintenant plus qu’à s’y rendre pour juger par soi-même.


Rosalie Stroesser. Shiki. Rivages, 2023.