Je n’ai pas étudié la sociologie à l’école et la découverte de cette BD me le fait regretter. Je connaissais évidemment les classes sociales, et observé attentivement la transformation du transfuge de classe Edouard Louis dans En finir avec Eddy Bellegueule, mais je dois avouer que je n’avais jamais réalisé à quel point nos goûts et nos comportements étaient assujettis à notre appartenance à une classe sociale. La BD se dit librement inspirée du livre éponyme de Pierre Bourdieu et c’est le cas puisque Tiphaine Rivière – dont le prénom donne un indice sur sa classe sociale – développe sa propre histoire qui prend sa source au sein d’une salle de classe d’un lycée, l’un des rares lieux où les élèves de différentes classes sociales se mêlent, travaillent ensemble et tissent des relations avant de rejoindre définitivement à l’âge adulte leur classe sociale de destination. L’exercice est délicat et forcément caricatural, mais le résultat est vraiment convaincant et c’est même surprenant de voir à quel point ces stéréotypes correspondent à la réalité – on pense forcément à des personnes que l’on a croisé ou que l’on côtoie.

J’ai donc appris – un peu tardivement il est vrai – que j’étais prisonnier de ma classe sociale de petit bourgeois. Certainement une des raisons pour lesquelles je m’intéresse à la littérature, mais pas trop au football ni à l’opéra. Comme souvent, mais c’est particulièrement vrai ici, la bande dessinée est une formidable porte d’entrée vers des domaines variés et parfois complexes ou difficiles d’accès, un véritable pont culturel entre les classes sociales. Elle a en tout cas éveillé chez moi un vif intérêt pour ce sujet et pour l’oeuvre de Pierre Bourdieu.


Tiphaine Rivière. La Distinction: Librement inspiré du livre de Pierre Bourdieu. Delcourt, 2023.