Une cohorte de prisonnier quitte la prison de Rilima après sept années de captivité.

Il [un communiqué présidentiel diffusé à la radio] annonçait la libération d’une première vague de quarante mille détenus, tous de grands tueurs condamnés pour génocide, dans six pénitenciers à travers le pays.

Plusieurs années après les événements qu’il a raconté dans ses deux précédents livres (Une saison de machettes et Dans le nu de la vie), Jean Hatzfeld a souhaité revenir sur le territoire du génocide pour rendre compte de la réintégration des génocidaires dans la société rwandaise. Difficile d’imaginer qu’un tel évènement puisse bien se passer, mais le gouvernement semble avoir considéré qu’il n’avait pas le choix, le pays ne pouvait pas continuer à vivre avec une importante partie de sa population purgeant sa peine au sein des prisons au lieu de cultiver la terre.

Il interroge les ex prisonniers, mais aussi les rescapés pour recueillir leurs impressions, les repentirs, les remords, la rancoeur, la haine, émergent comme l’on peut s’en douter d’un flot d’émotions. Mais ce qui ressort est souvent un étourdissement, un hébètement, une sensation qui semble rendre irréel ce qu’il s’est passé.

La justice ne trouve pas place après un génocide, parce qu’il dépasse l’intelligence humaine. Il faut accorder la priorité aux parcelles, aux récoltes, au pays, donc aussi aux tueurs et à leurs familles qui sont la force et le nombre.

Dans ce livre il revient aussi sur les tueries qui ne sont pas déroulées dans les marais, mais dans la forêt. Pour échapper aux tueurs, les quelques Tutsis qui ont survécu ont passé leurs journées à courir (6 heures par jour) pour échapper aux machettes. C’est cette façon de survivre comme les antilopes chassées par les prédateurs qui a donné son titre au livre.

La vie me proposait un destin de gibier, c’était à prendre ou à laisser.


Hatzfeld, Jean. La stratégie des antilopes. Seuil, 2008.