Ce livre sur la ville de Marseille s’articule en deux parties bien distinctes, mais reliées fermement dans un rapport cause / conséquence. La première est consacrée aux quartiers nord de la ville, à la misère et à la délinquance. La deuxième à la politique de la ville pendant l’ère Gaudin / Guérini qui a été catastrophique sur le plan de l’urbanisme et qui a contribué à détourner des fonds publics et / ou à blanchir de l’argent en collaboration avec le grand banditisme et les promoteurs immobiliers – je ne les mets pas dans le même sac.
Et quand on entend le mot “BAC”, franchement on ne pense pas au diplôme.
Philippe Pujol est journaliste et habite cette ville. Quand ses collègues grands reporters arpentent le monde pour écrire leurs articles, lui est resté à Marseille et a reçu le prix Albert Londres en 2014 pour sa série d’articles, toujours sur les quartiers nord, intitulée Quartiers shit. Ce n’est pas une légende, Marseille est un concentré du monde avec sa population cosmopolite et ses inégalités abyssales. Le fait d’être un enfant du pays est clairement un atout pour enquêter dans ce domaine – je ne suis pas sûr que n’importe quel journalistes puisse s’aventurer à la Castellane ou à Kalliste pour enquêter sur les trafics – car il a des connaissances solides et parle vrai. Il écrit sans détour, pas d’enrobage, une écriture qui percute et qui a gardé quelque chose du langage parlé. J’ai trouvé la première partie passionnante, j’étais loin d’imaginer une telle situation dans ces quartiers défavorisés. La seconde consacrée à la politique aurait peut-être nécessité de ma part une meilleure connaissance de la ville et du milieu politique de cette époque. Le tout brosse un portrait sans concession de cette ville qui a un statut bien particulier en France.
Cette ville n’est tout simplement que l’illustration visible des malfaçons de la République française.
Philippe Pujol. La Fabrique du monstre: 10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, l’une des zones les plus inégalitaires de France. Points, 2017.