Ce livre ressemble beaucoup à un précédent livre de l’auteur que j’ai beaucoup aimé, L’urgence et la patience. Cette ressemblance est manifestement assumée.
J’ai l’impression, en m’immergeant dans ce livre, de retrouver mon élément naturel. L’urgence de l’écrire, la patience de la façonner, de le polir, de l’affiner, et, en temps voulu, de le reprendre depuis le début, sans cesse, à l’infini, de le retravailler, encore et encore.
Il est aussi question de son métier, mais il est plus personnel, une sorte de plongée dans sa mémoire, comme on le fait au crépuscule de sa vie – je lui souhaite de vivre le plus longtemps possible.
Car, aux confins de ces grands fonds [ceux de la mémoire], à travers les eaux troubles et indécises du souvenir, c’est le terme du voyage qui se profile et c’est le visage de ma propre mort que je risque d’apercevoir dessiné dans le sable.
On sent que le COVID, qui est très présent dans ce livre, a orienté l’auteur vers la maladie, la vieillesse et la mort. La construction du livre est un hommage à Georges Perec et le déplacement du cavalier selon un algorithme dans son livre La Vie mode d’emploi1.
Cet artifice donne un côté aléatoire à l’enchaînement des 64 chapitres qui composent le livre. Les passages sur son père sont émouvants, ceux consacrés au échecs intéressants – pour le COVID on sature un peu –, mais j’ai surtout aimé la façon dont il parle de son ami Gilles Andruet. Il a choisi de n’évoquer que ses souvenirs d’amitié alors qu’il avait entre les mains le sujet d’un livre sulfureux. L’écriture sous contrainte n’est pas toujours une réussite, les sauts entre les chapitres nuisent plus qu’ils n’apportent.
Jean-Philippe Toussaint. L’échiquier. Minuit, 2023.
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Il s’agit de faire parcourir à un cheval les 64 cases d’un échiquier sans jamais s’arrêter plus d’une fois sur la même case. ↩︎