Emmanuel Carrère a suivi, pendant un an, le procès des attentats du 13 novembre 2015 afin de rédiger une chronique hebdomadaire pour Le Nouvel Obs. Un job de journaliste juridique en somme, mais pas pour suivre n’importe quel procès. Dans cet exercice l’auteur n’est pas un débutant, comme le souligne son directeur de la rédaction dans la postface, puisqu’il a déjà écrit de nombreux articles dont ceux qui ont été à l’origine de son livre L’Adversaire et ceux qui sont regroupés dans le recueil Il est avantageux d’avoir où aller.

Le livre reprend les chroniques – en intégralité puisque certaines avaient été tronquées pour tenir dans la double-page qui lui était allouée – dans l’ordre chronologique du procès et de ses trois grands actes: les victimes, les accusés et la cour. Ce récit du procès permet au lecteur de prendre connaissance des faits avec du recul et sans la distorsion de l’actualité et de son traitement par les médias. Mais aussi – et surtout – de lire la façon dont les acteurs de ce procès vivent ce moment. Les acteurs incluent l’auteur qui n’hésite pas à livrer ses opinions. Le procès est une catharsis, le verdict n’est pas l’enjeu, mais il est la manifestation du droit et de la justice face à l’obscurantisme. On s’en serait douté, Emmanuel Carrère se montre à la hauteur de la tâche qui lui a été confiée. En plus de la retranscription fidèle des évènements, il insuffle de la vie à son récit, comme s’il nous racontait le procès autour d’un verre à la terrasse des Deux Palais1 sans toutefois se départir de son sérieux – ce qui peut être considéré comme un acte de courage et de résistance.


Emmanuel Carrère. V13: Chronique judiciaire. POL, 2022.


  1. Brasserie qui se trouve à deux pas du Palais de justice de Paris, où s’est tenu le procès, et qui est devenu le lieu de rendez-vous. ↩︎