On pourrait dire que ce livre constitue, avec Martha & Alan, un prequel à La guerre d’Alan. Comme son nom l’indique, ce volume s’intéresse à l’enfance d’Alan Ingram Cope et nous plonge donc dans une époque assez lointaine. Dès l’introduction, Emmanuel Guibert touche au sublime. Il nous transporte en Californie dans une suite de plans pris depuis l’intérieur d’une voiture, les couleurs du jour déclinant au fil des pages, pour illustrer un texte à la fois simple et très évocateur.

Une ville que j’ai beaucoup aimée, c’était Santa Barbara. Elle est adossée à des collines derrière lesquelles poussaient des vergers de citronniers. Leur parfum était si fort que, quand on arrivait, l’air sentait le citron.

Ce qui pourrait ressembler à une suite d’anecdotes – que l’on ne penserait même pas à raconter si quelqu’un nous interrogeait – forme un tout et nous plonge avec beaucoup de réalisme et d’émotion dans un autre lieu à une autre époque. L’efficacité du procédé passe forcément par une réalisation irréprochable qui ne peut toutefois pas expliquer à elle seule l’émotion et la nostalgie qu’il provoque. Je pense qu’il parvient, en racontant les souvenirs du jeune Alan, à renvoyer le lecteur à ses propres souvenirs d’enfance indépendamment de l’époque et du lieu. Un travail remarquable qui ne prendra pas une ride et qui peut être considéré comme un classique instantané de la bande dessinée.


Emmanuel Guibert. L’enfance d’Alan. L’Association, 2012.