Comment s’attaquer à un tel défi, adapter en bande dessinée le pavé de Thomas Piketty, Capital et idéologie ? Cette entreprise semble vouée à l’échec. Mais cette adaptation, comme c’est le cas pour le livre de Yuval Noah Harari, Sapiens est une réussite.
Pourtant, le challenge semblait être encore plus relevé car les concepts de l’économie sont abstraits et ne se prêtent guère à la narration. Evidemment Economix a ouvert la voie et – beaucoup – d’autres on suivi depuis, mais quand même. Quel est le secret de cette réussite ? Tout d’abord – comme dans beaucoup de domaines – du travail, je crois savoir que cette adaptation a pris plus de deux années. Ensuite, la bonne trouvaille a été sans conteste d’ajouter une ossature narrative à cet essai pour raconter une histoire et proposer un fil conducteur au lecteur. Cette structure prend la forme de la destinée d’une famille depuis avant la révolution française jusqu’à nos jours. L’arbre généalogique sert de repère et d’index dans le temps, mais permet aussi aux auteurs d’illustrer le poids de l’hérédité et de la transmission du patrimoine dans l’accumulation de la richesse.
On apprend, ou on revoit, beaucoup de choses, des concepts mais aussi des évènements historiques. Le dessin qui se prête au réalisme comme au figuratif encadré dans une mise en page rigide et claire est un excellent support pour le récit. Il faut louer ce genre d’initiative qui donne accès à un plus large public à des ouvrages exigeants ou demandant un investissement important. Attention la lecture de cette BD demande tout de même une certaine concentration, mais certainement moins que la lecture des 1200 pages de l’ouvrage original.
Claire Alet & Benjamin Adam. Capital et Idéologie en bande dessinée: D’après le livre de Thomas Piketty. Seuil, 2022.