Je suis désolé de te le dire, mais tu pourrais devenir le Pablo Escobar de l’an 2000 [un anesthésiste à Richard Sackler].
Cette enquête porte sur les origines de la crise des opioïdes qui fit – et qui fait peut-être encore – de nombreuses victimes aux États-Unis. Cette crise plonge ses racines dans une dynastie familiale, les Sackler, qui mit sur le marché des médicaments antidouleur – notamment l’OxyContin à base d’oxycodone – et promurent leur utilisation de façon débridée.
Le travail de Patrick Radden Keefe est méticuleux et montre dans le détail les dérives de la cupidité et de l’ultra-capitalisme lorsqu’il affecte – comme c’est souvent le cas plus ou moins directement – la santé. On y voit à l’oeuvre le cynisme à toute épreuve dont les rouages implacables ont été parfaitement huilés par des professionnels. Comme on a pu le constater récemment pour le vaccin contre le COVID, pharmacie et philanthropie ne vont pas toujours de pair et soulager les gens de leurs douleurs semblait n’avoir d’intérêt que transformé en chiffres de vente. C’est un peu la même mécanique que pour le tabac, tel qu’illustrés par exemple dans le documentaire Propaganda, et que pour d’autres produits, les motifs les moins enviables – le profit – sont cachés derrière les intentions les plus louables – procurer du plaisir ou soulager les gens. Cet objectif étant mené par une débauche de moyens dont certains, comme l’accointance avec les médecins prescripteurs, figures de confiance pour leurs patients, est tout sauf éthique. Un travail remarquable qui a le mérite de faire la lumière sur ce qui a été reconnu depuis comme un scandale de santé publique et condamné par la justice.
Radden Keefe, Patrick . L’Empire de la douleur. Traduit par Claire-Marie Clévy, Belfond, 2022.