Al Alvarez était un journaliste – il pratiquait le journalisme gonzo –, il a écrit plusieurs reportages pour des journaux prestigieux comme celui-ci pour le New Yorker consacré aux championnats du monde de poker (World Series) qui se sont déroulés à Las Vegas en 1981 – ils se déroulent chaque année dans la ville du jeu depuis 1970. Mais il était avant tout un écrivain et un poète.
Le flegme britannique s’est dilué dans les vapeurs de bourbon et les voix paisibles des hôtesses de l’air, tandis que nous filions tout droit vers l’Ouest, dans la pénombre d’une nuit continuellement prolongée.
Ou encore.
Ensuite, je m’allongeais sous le soleil ardent, écoutant les antennes-relais de télévision craquer sous le souffle du vent, ou arpentant le périmètre du toit afin d’admirer la ville étalée à mes pieds, ses néons éblouis par les rayons du soleil, et sa ceinture de montagnes plissées découpant l’horizon.
Dans ce livre, il réussit plusieurs choses. Il montre la déconnexion des joueurs avec le monde extérieur et la valeur de l’argent. L’argent ne doit pas avoir de valeur pour un joueur, ce ne sont que des jetons. S’il prend conscience des sommes qu’il est en train de jouer, il a déjà perdu.
Tout est aspiré par la fiction du jeu et un narcissisme sans fond et insatiable.
Il nous offre une galerie de portraits hauts en couleur racontée avec une verve, un style et une classe incroyables sans oublier de nous faire vivre l’évènement qui les rassemble à la manière d’un journaliste sportif.
Le poker à hautes limites est un sport extrême, c’est comme conduire une voiture de course.
Enfin le tout est cohérent et est un véritable régal à lire. Malheureusement à ce jour seulement un autre de ses livres a été traduit en français, Nourrir la bête – je me le suis évidemment procuré sans attendre.
Alvarez, Al. Le plus gros jeu: Une chronique éblouissante sur Las Vegas et ses joueurs de poker. Métaillé, 2023.