Le livre de Yannick Haenel consacré au héros de la résistance polonaise Jan Karski compte trois partie distinctes. La première est une reprise de l’interview de Jan Karski filmée par Claude Lanzmann dans le cadre de son film Shoah. Elle permet de donner le contexte et sert en quelque sorte d’introduction. La deuxième est le résumé du livre Story of a Secret State écrit par Jan Karski dans lequel il raconte la période qu’il a consacré à la résistance et notamment, ce qui le hantera toute sa vie, la découverte et la visite du ghetto de Varsovie et du camp d’extermination de Bełżec. Dans ces lieux, il verra ce qu’un être humain ne peut concevoir.
Des êtres humains qui n’ont plus l’air vivants et qui ne sont pas morts, qu’est-ce que c’est ?
La dernière est une fiction dans laquelle Yannick Haenel fait parler Jan Karski. Ce procédé est surprenant. Les deux premières parties sont passionnantes et la troisième le serait tout autant si l’on ne ressentait pas cette gêne de prêter des pensées qui ne sont peut-être pas exactement les siennes à une personne ayant existé – même si l’auteur s’est basé sur des documents. Cette sensation est d’autant plus prégnante que l’on vient de lire deux parties biographiques et donc non-fictionnelles – en principe. Dans cette troisième partie, il insiste sur une idée en particulier, celle que les Alliés ont abandonné les Juifs d’Europe alors qu’il n’a eu de cesse des les alerter.
Au procès de Nuremberg, dis-je, personne n’a soulevé la question de la passivité des Alliés : le procès de Nuremberg, savamment orchestré par les Américains, n’a jamais été qu’un masquage pour ne pas évoquer la question de la complicité des Alliés dans l’extermination des Juifs d’Europe.
Malgré cette particularité, j’ai beaucoup apprécié ce livre qui m’a permis de découvrir Jan Karski et de mieux connaître les évènements vécus par le peuple polonais, pris en tenaille entre les allemands et les russes, lors de la Seconde Guerre mondiale.
Haenel, Yannick. Jan Karski. Gallimard, 2009