J’ai croisé ce livre dans Une saison de machettes de Jean Hatzfeld et j’ai eu envie de m’y plonger. Avant de le lire, je ne connaissais ni Adolf Eichmann, ni son rôle au sein du parti Nazi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il fait partie des fuyards qui se sont installés en Argentine après la défaite – comme bien d’autres comme Josef Mengele dont Olivier Guez avait raconté l’exil dans La disparition de Josef Mengele. Eichmann n’a pas échappé au Mossad et a été extradé clandestinement en Israël pour y être jugé lors d’un procès qui fait suite à celui de Nuremberg auquel il avait échappé. On découvre vite dans le livre, qu’il n’est pas un personnage à la hauteur de ses crimes. Il ressemble plus à un fonctionnaire zélé, un maillon très solide de la terrible chaîne.
C’est la pure absence de pensée – ce qui n’est pas du tout la même chose que la stupidité – qui lui a permis de devenir un des plus grands criminels de son époque.
Il semble ne jamais, ou presque, avoir pris d’initiatives et s’être employé à exécuter les directives avec diligence et efficacité. Il apparait qu’il attachait une grande importance à se couvrir. Il s’est d’ailleurs défendu d’avoir toujours agi dans le cadre de la loi. Mais cette obsession peut donner à penser qu’il était pleinement conscient de ses actes puisqu’il attachait autant d’importance à toujours agir dans le cadre d’une directive. C’est ce paradoxe qu’a théorisé Hannah Arendt dans son concept de banalité du mal.
Comme si, en ces dernières minutes, il résumait la leçon que nous a apprise cette longue étude sur la méchanceté humaine – la leçon de la terrible, de l’indicible, de l’impensable banalité du mal.
Au travers de ce livre sur le procès d’Adolf Eichmann, Hannah Arendt – elle réalisait au départ un reportage pour le New Yorker – s’attache à donner un panorama complet de la question en l’analysant selon la dimension temporelle (les différentes étapes avant d’arriver à la Solution finale), sur le plan territorial (en Allemagne, mais aussi dans toute l’Europe) – je ne connaissais pas les divergences notables de comportements envers les Juifs des différents états du continent européen – et sur le plan organisationnel (qui décidait, comment les différents départements collaboraient). Le livre est dense et regorge d’information – elle semble a peu près tout savoir sur la question. Je ne m’attendais pas toutefois à une écriture aussi dynamique, aussi dense, mais à un texte plus académique. Cette vivacité dans l’écriture – on dirait qu’elle écrit comme elle pense – rend la lecture bien plus fluide.
Lors de sa sortie, Eichmann à Jérusalem a été abondamment critiqué pour sa mise en cause des Juifs dans leur propre extermination. Si l’on met de côté la polémique qu’il a suscité, il a été un pavé dans la mare et a joué le rôle de catalyseur à l’origine d’un foisonnement de nouvelles publications qui ont eu le mérite de faire la lumière sur ces évènements.
Arendt, Hannah. Eichmann à Jérusalem. Traduit par Anne Guérin, 2e édition augmentée, Folio Histoire, 1997.