Vol de nuit est l’un des mes livres préférés. Dans un livre sur l’aviation, l’Aéropostale en l’occurrence, on s’attend à lire le récit des pilotes héroïques bravant les éléments. Il y a de ça, mais le vrai héros du livre est Rivière, le directeur. Son point de vue semble être de transcender les hommes et les femmes avec lesquels il travaille, il veut dépasser le statut de l’individu pour qu’il s’efface derrière l’entreprise à laquelle il contribue.
Il existe peut-être quelque chose à sauver et de plus durable ; peut-être est-ce à sauver cette part-là de l’homme que Rivière travaille ? Sinon l’action ne se justifie pas.
J’ai toujours eu du respect pour le dévouement de Rivière envers sa mission qu’il met au dessus de tout jusqu’à aller parfois à l’encontre de lui-même en refrénant ses élans et son humanité. Il a réussi son pari puisque le nom de Didier Daurat, qui est le vrai nom du directeur d’exploitation de l’Aéropostale qui a inspiré à Saint-Exupéry le personnage de Rivière, s’est effacé derrière celui de son entreprise qui est non seulement resté dans la légende, mais a contribué à créer un filière d’excellence en France.
Et Rivière, à pas lents, retourne à son travail, parmi les secrétaires que courbe son regard dur.
J’ai toujours pensé qu’il s’agissait de l’un des plus beaux livres sur la gestion des hommes – le management au sens noble, loin de l’happiness management.
Le règlement, pensait Rivière, est semblable aux rites d’une religion qui semblent absurdes mais façonnent les hommes.
Dans ce monde de l’entreprise que dire du zélé Robineau, le rédacteur de rapports, qui s’efface complètement derrière la stature du directeur – on a tous connu des Robineau, les bureaux en sont remplis.
Mais ce livre n’est pas que ça, Saint-Exupéry est parvenu a écrire un beau livre, parfois emprunt de lyrisme tout en restant très épuré.
P.S.: C’est le 700ème article publié en 15 ans ! Ma mémoire commence à ne plus suivre, le blog sert enfin à quelque chose.
Antoine de Saint-Exupéry. Vol de nuit. Gallimard, 1972.