L’expression qui a donné son titre au livre est de Sylvie Umubyeyi, l’une des rescapée Tutsi du génocide perpétré par les Hutus au Rwanda.

En 1994, entre le lundi 11 avril à 11 heures et le samedi 14 mai à 14 heures, environ 50 000 Tutsis, sur une population d’environ 59 000, ont été massacrés à la machette, tous les jours de la semaine, de 9 h 30 à 16 heures, par des miliciens et voisins Hutus, sur les collines de la commune de Nyamata, au Rwanda.

Dans ce livre, le premier de la trilogie Récits des marais rwandais consacré au génocide, Jean Hatzfeld donne la parole exclusivement aux Tutsis rescapés. Ils racontent l’horreur, les conditions dans lesquelles ils ont survécu et leur difficile tentative de reconstruction. Passé l’horreur des tueries, c’est l’après qui frappe. Les rescapés semblent vidés, ils ont définitivement perdu quelque chose, en plus de leurs proches, quelque chose de fondamental, qui est au coeur même de la vie humaine. C’est la foi en l’humanité, en ses semblables. Après avoir vu ce dont l’Homme – et pas un étranger, celui qui était encore il y a quelques jours son voisin –, on ne peut plus croire en l’Homme. Aucun autre être vivant n’est capable d’une telle cruauté. Face à ce phénomène, c’est la stupéfaction qui demeure. Impossible à expliquer, malgré quelques raisons évoquées qui reviennent dans les témoignages.

Jean Hatzfeld recueille ces paroles avec beaucoup de soin, en conservant leur belle langue d’origine, le français rwandais. Il n’intervient pas, ou peu, pour donner son analyse – ce qu’il fera dans le second tome –, mais se contente de poser le décor pour nous immerger au mieux dans cet univers afin de nous transmettre ces précieux témoignages. De belles photos de chaque interlocuteur signées Raymond Depardon illustrent les chapitres.


Hatzfeld, Jean. Dans le nu de la vie : Récits des marais rwandais. Seuil, 2003.