Soyons franc, je n’aurais jamais lu cette BD si elle n’avait pas reçu le fauve d’or lors du dernier festival d’Angoulême. L’histoire d’une infirmière brésilienne et de sa fille qui pourrait recevoir le prix de la pire ado, ce n’est pas trop ma tasse de thé. Et pourtant, l’histoire est très prenante. Il y a du rythme, c’est dynamique et surtout ça sonne vrai. C’est même émouvant par moment – énervant aussi – et les personnages sont touchants. Est-ce lié au contraste entre le dévouement de Marcia dans le cadre de son travail – au passage un bel hommage aux soignants – et la férocité de l’environnement dans lequel elle vit ? Il y a aussi la gentillesse du beau-père Aluisio qui, même s’il semble démuni, tente de faire ce qu’il peut depuis sa position délicate.
Je pense que l’émotion passe aussi par le regard des personnages, les zooms qui sont faits sur le visage et sur les yeux des personnages nous rapprochent d’eux et représentent ce que nous ferions dans la vie, s’ils étaient en face de nous, c’est-à-dire les regarder dans les yeux. Le choix des couleurs est également un élément différentiateur. On dirait que tout a été passé dans un filtre qui les sature, rien n’a sa couleur normale. Les gens sont bleus – mais pas que – le ciel vert, et les couleurs semblent varier au fil des pages. La représentation des personnages obèses est particulièrement subtile, ils débordent des cases, mais sont plutôt beaux, ils ressemblent à des géants ou à de rondes divinités comme ces bouddhas grassouillets. Beaucoup de résilience où l’amour surnage malgré tout au milieu de cette jungle. Finalement un fauve d’or bien mérité.
Quintanilha, Marcello. Écoute, jolie Márcia. Traduit par Dominique Nédellec, Editions ça et là, 2021.