Lionel Shriver a une réputation d’anticonformiste et c’est cette réputation qui m’a poussé à lire son dernier livre – j’ai un petit penchant même pas coupable pour les pourfendeurs de la bien-pensance ambiante. Son personnage principal est de la même trempe qu’elle – oui elle a un prénom masculin – en plus d’être une avant-gardiste. Elle a arboré un tatouage à l’époque où ces attributs n’était arborés que par des minorités et bien avant que tout un chacun se couvre le corps de mandalas. Il en va de même pour le sport qu’elle pratique assidûment depuis toujours, bien avant que le fait de ne pas sortir faire son jogging hebdomadaire vous fasse passer pour un junkie déprimé. Elle se déplace exclusivement et depuis toujours à vélo lorsque ce moyen de locomotion n’était utilisé que par les plus modestes qui se déplacent désormais en voiture, le vélo étant entre les mains des urbains responsables actant – tout en étant parfaitement dans la tendance – activement contre le réchauffement climatique. À ce propos, le parcours de la piste cyclable à New York est hilarant. Alors, lorsque son mari, pas particulièrement sportif, se met en tête de courir un marathon, coaché par une femme sculpturale qui à l’âge d’être sa fille, s’en est trop.
Pour l’amour du ciel, pourquoi aurais-je envie d’aller tout au nord de l’État regarder une bande de crétins passer devant moi en maillot numéroté en serrant dans leur main des petites bouteilles d’eau ?
Il s’agit donc d’une comédie avec un petit côté David Lodge. C’est assez drôle ou plutôt réjouissant et même si le propos est caricatural, il y a, comme dans toute satire, une part de vérité. On n’échappe pas non plus aux phénomènes du moment comme le wokisme.
Mais, à la rubrique “mixité” de son dossier de candidature, il paraît qu’elle a répondu à toutes les questions concernant le genre et la sexualité par: “ne se prononce pas”. Ce qui a terrifié la direction des ressources humaines de la mairie. On ne peut pas se protéger contre des poursuites pour discrimination quand on ne sait même pas de quelle discrimination on est coupable.
Le bon côté de ce livre est qu’il ne tourne pas au réactionnaire – en tout cas c’est ma perception –, il balance plutôt agréablement – en les secouant quand même un peu fort par moment – la bien-pensance et le conformisme ambiant. Et, contre toute attente, il recèle même une bonne dose d’humanité et de bienveillance qui, avec le sarcasme et l’humour, forment un tout finalement pas si mal équilibré.
Shriver, Lionel. Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes. Belfond, 2021.