La Salle de bain le premier livre publié de Jean-Philipe Toussaint et le premier que j’ai lu. Avec les sorties récentes de La clé USB et de sa suite, Les Émotions1, j’ai eu envie de revenir aux origines pour me faire, avec le recul des années, une idée peut-être différente. A l’époque j’avais dû apprécier cette lecture puisque j’ai beaucoup lu Toussaint par la suite. Si ma lecture date d’une quinzaine ou d’une vingtaine d’années, la publication du livre est beaucoup plus ancienne car elle remonte à 1985. Époque à laquelle les Éditions de Minuit étaient dirigées par Jérôme Lindon – voir le petit livre Jérôme Lindon que lui a consacré un autre grand auteur de la maison, Jean Echenoz. D’ailleurs à la fin de cette édition de poche (collection “double”) figure un court texte de l’auteur, intitulé Le jour où j’ai rencontré Jérôme Lindon,relatant à la fois sa rencontre avec le grand éditeur et sa joie d’être publié.
En sortant de ce premier rendez-vous, en cette fin d’après-midi de décembre 1984, mes forces m’abandonnèrent peu à peu, trop de choses à la fois étaient en train de s’accomplir, trop d’émotions, et je me suis assis sur le trottoir, rue de Rennes, il faisait nuit, des décorations de Noël pendaient à des fils, aux devantures des magasins, j’étais assis au bord de la chaussée, le front humide de transpiration, les phares de voitures passaient sur mon visage, mon regard se brouillait et je me sentais m’évanouir lentement, je suivais des yeux les feux arrières des voitures qui s’éloignaient sur le boulevard Saint-Germain, je regardais le ciel, je regardais la ville, j’avais relevé le col de mon manteau et je ne bougeais plus, j’étais assis là dans la rue à Paris vers six heures du soir, j’avais vingt-sept ans, bientôt vingt-neuf2, je venais de quitter Jérôme Lindon et La Salle de bain allait être publié aux Éditions de Minuit.
Pour revenir au livre, j’ai d’abord été surpris par une curieuse mise en page présentant une numérotation des paragraphes. Ensuite, il n’y a pas vraiment d’histoire au sens où on l’entend dans un roman, mais des moments de vie au sein d’un univers curieux peuplé de personnages lunaires évoluant au sein d’un milieu intellectuel. Ce premier roman ne vaut donc pas tant pour son histoire que pour l’impression qui s’en dégage. A l’époque, ce genre de livre était dans la queue de comète du Nouveau Roman dont les Éditions de Minuit étaient le temple. Il était donc certainement plus dans l’air du temps, aujourd’hui je le trouve moins convaincant, il a perdu de sa modernité – son côté “nouveau”.
Toussaint, Jean-Philippe. La Salle de bain. Les Editions de Minuit, 2005.