Depuis la prise de pouvoir des bolchéviques, le comte Alexandre Ilitch Rostov est assigné à résidence à l’hôtel Metropol de Moscou – certains seront exilés dans des coins moins confortables de la Russie. Pourtant, il faut bien faire une croix sur de nombreuses mondanités et divers raffinements que le nouveau pouvoir en place, poussé par son idéal d’égalité, va s’employer à rayer de la carte. La culture et le raffinement du comte sont désormais anachroniques, dans cette nouvelle Russie une bouteille de vin est une bouteille de vin, seule leur couleur les différencie.
Mais en regardant la bouteille qu’il avait dans la main, le comte comprit brusquement qu’en fait tout était derrière lui. Parce que les bolchéviques, férocement déterminés à refondre l’avenir dans un monde façonné par leurs propres soins, n’avaient de cesse qu’ils n’arrachent, ne brisent et n’effacent jusqu’aux derniers vestiges de sa Russie à lui.
Cette opposition feutrée est au coeur du livre et réserve de nombreux bons moments, l’érudition du comte en matière d’art de vivre est un vrai bonheur. Visualiser les bouleversements du XXème siècle depuis la fenêtre d’un aristocrate coincé dans un hôtel de luxe au centre de Moscou est assez agréable. Mais au bout d’un certain temps, le charme s’estompe et les grosses ficelles du roman commencent à apparaître et à gâcher peu à peu la lecture – c’est un bestseller américain, il fallait s’y attendre. Les retours en arrière dans le passé du comte et l’évolution de la situation ne sont pas parvenus à capter mon intérêt sur la durée – à bien y réfléchir ce n’était peut-être pas le bon moment pour lire un roman qui traite de confinement.
Towles, Amor. Un gentleman à Moscou. Fayard, 2018.