La quatrième de couverture donne – pour une fois – une indication intéressante ne gâchant pas le plaisir de lecture.

La gent masculine, voilà le sujet des nouvelles qui composent Des raisons de se plaindre. Leur petites lâchetés, leur mauvaise foi, leurs erreurs et leurs errances. Leurs soucis d’argent, leurs peines de coeur et leur compétition sexuelle… mais aussi leur charme, leur maladresse. On n’aimerait pas forcément croiser ces personnages dans la vraie vie. Mais l’humour et la cocasserie les rachètent. En somme, ils nous ressemblent.

Il y a du vrai et quelque chose de fondamental qui est dit là, mais je ne suis pas entièrement d’accord. Je dirais qu’il ne s’agit pas que des hommes, mais plutôt de mettre en avant l’opposition, certaines différences qui séparent les hommes des femmes. Jeffrey Eugenides les passe au révélateur des évènements de la vie qui font ressortir des attitudes et des comportements caractéristiques. On retrouve dans ces nouvelles des sujets qui seront exploités dans ses ouvrages postérieurs. N’étant pas un grand amateur de nouvelles, j’ai été agréablement surpris d’apprécier énormément cette lecture. Comme on l’a vu, ces nouvelles ont une certaine unité sur le fond sans être réellement liées entre elles. Ce positionnement assure une cohérence tout en entretenant le plaisir de la découverte. Leur format est homogène et bien équilibré, ni trop court pour laisser le temps d’entrer dans l’histoire, ni trop long pour se concentrer sur un seul arc narratif.

Ensuite – et surtout – il y a le talent de Jeffrey Eugenides que j’avais déjà relevé dans Le roman du mariage. Son analyse du comportement humain est toujours juste.

Ils entendent résoudre ce problème rapidement et une bonne fois pour toutes, avec un minimum d’effort. En retirant l’affect de la balance, ils sont convaincus qu’ils agissent prudemment, alors que leur volonté de régler la situation n’est guidée que par les émotions: la peur principalement, mais aussi le sentiment de culpabilité, et l’agacement.

Il en va de même de son regard sur notre société qui s’avère très pertinent, on voit qu’il avait prédit ce qu’il allait se passer avec l’élection de Trump dans cette nouvelle de 2008.

Même le président qui avait menti pour les armes de destruction massive, avait été réélu. Dans les rues, les gens recevaient le message. Ce qui comptait, c’était la victoire, peu importe s’il fallait utiliser la force ou tenir un double langage pour y parvenir. […] Un pays est à l’image de son peuple. Plus nous en apprenions sur le nôtre, plus nous avions de quoi à avoir honte.

Une très bonne surprise pour le format de la nouvelle et une confirmation du talent de l’auteur américain. Je vais d’ailleurs enchaîner directement par la lecture de son premier livre Virgin Suicides1.


Eugenides, Jeffrey. Des raisons de se plaindre. Traduit par Olivier Deparis, L’Olivier, 2018.


  1. Eugenides, Jeffrey. Virgin Suicides. Traduit par Cholodenko, Marc, Points, 2010. ↩︎