Ce n’est un secret pour personne – ou presque –, Martin Winckler est un pseudonyme, peut-être même l’un des plus connus de la littérature contemporaine. Dans la vraie vie il se nomme Marc Zaffran et exerce, ou plutôt exerçait, la profession de médecin généraliste. Et c’est précisément ce livre qui est en rapport avec son métier qui l’a fait entrer en littérature par la grande porte et l’a rendu célèbre sous son nom d’emprunt. De quoi s’agit-il ? En fait il s’agit d’un roman inspiré de faits réels écrit pour donner l’illusion du réel. Tout ceci est un peu paradoxal et pas très clair – c’est le serpent qui se mord la queue –, mais c’est pourtant a peu près ça. Son objectif est de raconter le quotidien de ce que l’on appelle communément le médecin de campagne – en fait, plus prosaïquement, un médecin généraliste de petite ville ou de village.
C’est le procédé qui est original car il fait parler plusieurs voix et l’écriture ressemble à celle d’un journal. On a le point de vue des patients, de la secrétaire, bref de tout un tas de gens. Et cette polyphonie forme un tout cohérent, donne une représentation dont chaque angle de vue apporte un éclairage différent et complémentaire sur cet univers pas très réjouissant. Ce tout est une peinture déprimante de la profession et de ceux qui la fréquente avec ou sans bonnes raisons, plus ou moins fréquemment. Évidemment, au travers de ces fragments, on découvre le docteur Sachs et peu à peu sa vie privée qui constitue l’élément romanesque principal de ce livre. Ce procédé est tout de même fatiguant pour le lecteur qui est forcé de s’adapter en permanence à un point de vue différent. Le deuxième inconvénient est que Martin Winckler reprend – imite ou singe, c’est selon – dans son écriture la façon de parler de ses personnages et ça c’est encore plus fatiguant car pas toujours très réussi ni très crédible – je ne sais pas si c’est moi, mais j’ai beaucoup de mal avec ce procédé, je me souviens avoir déjà évoqué ce problème très prégnant dans un livre qui n’a rien à voir La Horde du Contrevent.
Sur le fond c’est principalement le malheur et la bêtise des gens – les deux n’étant pas forcément liés – qui ressortent. Malgré l’artifice polyphonique, le rendu est malheureusement très convaincant. Décidément la médecine ça vous ébranle un homme, regardez ce qui est arrivé à Céline. J’ai démarré la lecture avec enthousiasme car la découverte de l’univers et de l’écriture est motivante. Puis je l’ai terminée à bout de souffle et déprimé par cet univers triste et sombre. C’était certainement le but recherché et si c’est le cas, c’est très réussi. Je ne pense pas lire les deux autres livres dont l’intrigue est antérieure à celle de ce livre et qui forment avec celui-ci une trilogie, La Vacation1 et Les Trois Médecins2.
Winckler, Martin. La Maladie de Sachs. P.O.L., 1998.