Si j’en crois la date inscrite au crayon sur la dernière page du livre, ma précédente lecture de ce roman date de 2005 – je ne pense d’ailleurs ne pas l’avoir apprécié à sa juste valeur à l’époque. C’était déjà quasiment une vingtaine d’années après sa sortie, Bret Easton Ellis n’avait alors que 21 ans. J’ai décidé de le relire pour plusieurs raisons. La première est liée à la couverture médiatique dont a bénéficié l’auteur à l’occasion de la parution de son dernier livre, White, cette année. La deuxième est que j’ai pour projet de lire Suite(s) impériale(s) qui se déroule 25 après les évènements de Moins que zéro.
J’adore le style. De ces phrases courtes se dégage une grande mélancolie. Je vois dans cette mélancolie du Fitzgerald, même si je ne suis pas sûr que ce soit une source d’inspiration pour Ellis. Sa source d’inspiration est le minimalisme et l’opposé du courant de conscience car il se borne à décrire les scènes et les dialogues. Il n’y a jamais d’introspection. Il n’y a pas de chapitre, c’est un flot continue, la représentation d’un lieu, d’une époque, d’un milieu sans se prêter à l’exercice de le décrire pour le lecteur, juste en rapportant des dialogues en décrivant ce que l’on voit. Les passages en italique contrastent avec le reste du texte. Clay se remémore le passé, lorsqu’il était enfant. Le style du texte est alors bien différent, plus poétique.
[…] L’ancienne maison était vide, la peinture de la façade s’écaillait, il y avait de mauvaises herbes, une antenne de télé tombée du toit, et des poubelles vides qui encombraient ce qui était autrefois la pelouse de devant. On avait enlevé l’eau de la piscine et tous mes souvenirs me revinrent en mémoire et je dus m’asseoir sur les marches de la piscine vide pour pleurer. Je me rappelai toutes nos arrivées le vendredi soir et nos départs le dimanche soir et les après-midi passés à joueur aux cartes sur les chaises longues au bord de la piscine, avec ma grand-mère. Pourtant ces souvenirs me semblaient fades, comparés aux boîtes de bières vides qui jonchaient l’herbe morte, et aux fenêtres brisées, défoncées.
Après un début en trombe, le milieu du livre devient un peu lassant. Il n’y a pas d’histoire ou presque et c’est justement ça l’histoire – mais ce qui est un concept intéressant n’est pas forcément toujours très efficace, prenant. Sauf vers la fin où la tension augmente et les évènements deviennent de plus en plus sordides et violents. Ils préfigurent en quelque sorte le déchaînement de violence que sera American Psycho.
Des images qui m’accompagnèrent même quand j’eus quitté L.A. Des images si violentes et perverses que pendant très longtemps elles me semblèrent être mon seul point de repère.
Le roman n’a pas tant vieilli que ça, les années 80 reviennent à la mode – ou sont déjà revenues à la mode et ne le sont plus. Il n’y a qu’à écouter la bande son du livre – certaines playlists élaborées à partir des morceaux cités dans le livre sont disponibles sur Spotify – pour s’en convaincre. Elle a de l’importance, le titre du livre, Less than zero, est d’ailleurs emprunté à celui d’une chanson d’Elvis Costello.
Bret Easton Ellis, Moins que zéro, traduit par Brice Matthieussent, 10/18, 1988, 216 p, Amazon.