Un matin un homme quitte Paris pour Rome. Il a pris une grande décision. Il va rejoindre sa maîtresse. Il compte lui annoncer qu’il quitte enfin sa femme pour s’installer définitivement avec elle. Durant ce voyage, cette journée entière passée dans le compartiment 3ème classe du Paris-Rome, il ne surviendra pas de grands événements, sauf dans la tête de Léon. 24 h vont s’écouler pendant lesquelles il ne fera que penser à l’événement qui est en train de se jouer. Il va songer à sa nouvelle vie, à sa liberté et sa jeunesse retrouvées. A Paris et à Rome, à la routine et à l’aventure, à la tristesse et au bonheur, au passé et au futur. Il va faire des aller-retours entre les deux. Penser à sa femme, à ce qu’elle était et ce qu’elle est devenue. A ses enfants, aux espoirs et aux déceptions qu’ils ont suscité. Il va se poser beaucoup de questions, construire et déconstruire les différents scénarios dans sa tête en regardant défiler le paysage depuis ce compartiment inconfortable.

[…] impossible de ne pas tenter de lui expliquer pour quelles raisons s’est produite cette modification, afin qu’elle quitte tout espoir dans cette direction-là, […]

La modification est l’archétype du nouveau roman. Pas ou peu de personnages, pas ou peu d’intrigue. Tout se passe dans la tête du protagoniste, c’est ce que l’on appelle le courant de conscience ou le monologue intérieur. Ici son esprit divague entre ce qu’il se passe dans le train et ce qu’il se passe dans sa tête. Il observe les passagers et des souvenirs ou des pensées émergent. En plus de tout cela, Michel Butor utilise un procédé plutôt curieux. Le narrateur emploie non pas le “je” ni le “il”, mais le “vous”.

Ecrit dans les années 50, il est doté d’un charme suranné qui opère dans l’évocation du voyage en train et de ces deux villes magnifiques que sont Paris et Rome. Ces deux villes matérialisent les deux pôles antagonistes entre lesquels il se déplace et qui symbolisent sa vie.


Michel Butor, La Modification, Minuit, 1980, 313 p, Amazon.