Le titre est un oxymore. Un combat n’est jamais ordinaire même si c’est celui de la vie. Le fond et la forme jouent également sur le contraste. Un dessin gai et des couleurs chatoyantes qui pourraient convenir à un récit humoristique alors qu’ils servent un propos globalement très sérieux – voire parfois un peu triste. Soyons clairs, nous sommes en présence d’un oeuvre de très grande qualité. Ce que j’ai dit concernant les dessins n’est d’ailleurs pas péjoratif, ils procurent un grand plaisir de lecture et mettent en scène des personnages attachants et expressifs. Le récit est ponctué de planches représentant des photos – le protagoniste principal est photographe – dans un style sobre et réaliste. Ces planches monochromes sont accompagnées de textes magnifiques et soulignent la profondeur du propos et les multiples talents de l’auteur.
L’histoire est celle d’un jeune homme qui traverse une mauvaise passe sur le plan professionnel, il manque manifestement d’inspiration et d’envie. Sur le plan personnel, il se trouve, a priori, dans un état dépressif léger manifestement psychosomatique car il est victime de soudaines crises d’angoisse.
C’est très impressionnant, une crise d’angoisse. Même si c’est très différent d’une personne à l’autre … Chez moi, l’esprit ne fonctionne plus que par à-coups et le corps ne répond plus normalement. C’est un abîme insupportable parce qu’il laisse entrevoir un dysfonctionnement intime inexpliqué et incontrôlable.
Il n’a pas de gros problèmes si ce n’est celui d’être confronté aux difficultés de la vie. Comme beaucoup de personnes arrivées à la trentaine, il se pose des questions sur son métier, sa vie sentimentale, ses parents qui vieillissent, sur le choix d’avoir des enfants. Bref, il prend conscience de la vie d’adulte – et ça c’est dur.
Difficile, très difficile, à résumer tant les thèmes abordés sont nombreux, cette BD d’une sensibilité extrême se doit de figurer dans toute bonne bibliothèque. La série compte quatre tomes très homogènes et réussis. A lire, à acheter et / ou à offrir sans aucune – mais vraiment aucune – hésitation.
Manu Larcenet, Le Combat Ordinaire – Intégrale, Dargaud, 2014, Amazon.