Il fait nuit à la surface de l’Océan, mais demain le jour se lèvera sur lui. Pas sur nous. Là où nous sommes, dans la coque et hors de la coque, ce ne sont que ténèbres.
J’ai commencé la lecture du roman Le jour ne se lève pas pour nous non pour ses qualités romanesques – pas qu’il n’en ait pas –, mais à titre documentaire. J’ai toujours été intrigué par la vie à bord d’un sous-marin. J’avais déjà eu une vision bien peu idyllique dans le très noir, mais très bon Immergés – dommage que la série ait été arrêtée prématurément.
Comme le souligne le héros du livre dès les première pages, dans un sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), on est loin du Nautilus et de ses vastes espaces, de la fameuse bibliothèque avec vue sur les fonds de l’océan qui m’a toujours fait rêver, et pourtant:
Le charme de ce salon, c’est qu’il est entièrement tapissé par les ouvrages d’une bibliothèque qui épouse sa forme circulaire – comme devait être la bibliothèque de Montaigne dans sa tour avant que son ingrate fille, à sa mort, vendît ses livres.
Robert Merle a eu l’occasion de naviguer dans de tels engins et d’interviewer leurs occupants, je lui accorde donc toute ma confiance. Si l’on s’attarde sur sa bibliographie il apparaît qu’il porte un intérêt tout particulier à ces mondes clos. Il semble curieux de mettre en scène, au travers de ses romans, la façon dont des micro-sociétés créées par nécessité s’organisent.
- Malevil1 : Une guerre atomique dévaste la planète, et dans la France détruite un groupe de survivants s’organise en communauté sédentaire derrière les remparts d’une forteresse.
- Madrapour2 : Dans un aéroport étrangement désert, quinze personnes s’embarquent à bord d’un charter.
- L’île3 : L’histoire se déroule après la prise du Bounty et montre comment une société s’organise sur cette île.
- Week-end à Zuydcoote4 : Une sergent accompagné d’un petit groupe est bloqué dans la poche de Dunkerque et espère une évacuation vers l’Angleterre
Voici d’ailleurs ce qu’il fait dire à son personnage principal:
C’est pourquoi je commence hypocritement à me demander la raison pour laquelle une île m’a toujours fasciné. Comme je me suis déjà posé la question, je n’ai aucun mal à me répondre : c’est qu’une île est bien close, bien défendue de tous côtés par des douves naturelles qui la protègent des envahisseurs.
C’est bien ce que je m’imaginais, le roman sert de prétexte à la visite du sous-marin. Heureusement que je ne cherchais pas la grande aventure car j’ai un peu l’impression de regarder Envoyé Spécial ou plutôt le journal de 13 h – mais bon, ça ne me gène pas. Des petits détails marrants comme l’évacuation des déchets à l’organisation du sous-marin, ma curiosité est rassasiée et c’est bien là l’essentiel. Je trouve que les membres d’équipage font un peu cliché. Les bretons et les gens du sud sont particulièrement bien servis – comme d’habitude.
Une fois que l’on a fait le tour du propriétaire, la croisière devient moins intéressante. La routine s’installe et même si le navire est confortable on s’ennuie quand même un peu. Les quelques réflexions sur le nucléaire n’animent pas assez le débat pour casser la routine. Mais, je ne vais pas renier ce que j’ai apprécié. Ce charme bon enfant, ces descriptions au premier degré. Je voulais en connaître un peu plus sur les sous-marins, la vie sous les mers, l’isolement, le fait d’être coupé du monde, mission accomplie. Je n’en attendais pas plus et j’ai eu ce que je voulais et même un peu plus grâce à quelques belles phrases.
Si je revois un jour Sophie, je le lui dirai : rien n’est plus cruel que le silence puisqu’il laisse subsister l’espérance tout en la décevant toujours.
Robert Merle, Le jour ne se lève pas pour nous, Le Livre de Poche, 1990, 283 p, Amazon.