Bastien Vivès nous livre une chronique des vacances d’été une sorte D’Hôtel de la plage moderne car oui le téléphone portable à fait son apparition. Même s’il n’a pas – encore – pris le dessus sur les indétrônables de la période que sont les cuites et l’amour. C’est alors pour un jeune garçon un peu introverti préférant le dessin aux activités sportives l’épreuve de la confrontation aux autres. Ce ne sont ni les premiers ni les derniers abrutis qu’il croisera. Il faut faire des choix, tenir tête ou entrer dans le jeu. Un frêle équilibre qui consiste à ne pas trop se travestir sans perdre la face. Et ce n’est que la première manche de l’épreuve de virilité. La deuxième est au moins aussi compliquée, les filles.

De nombreux garçons ont ces souvenirs de vacances. Les premiers émois. Lorsqu’à l’occasion d’une douche ou d’une sieste on entrevoit quelque chose qui va tout changer. Rien ne sera plus jamais pareil, les priorités viennent de basculer, les pôles de s’inverser. Elle peut être une jeune inconnue que l’on rencontre, une cousine ou une amie de la famille. Enfin cette ambiance des vacances d’été. Cette coupure de deux mois qui peut sembler oisive, mais dont l’on revient inévitablement changé. À 13 ans c’est encore plus que ça. C’est une frontière. Le passage des douceurs et de la naïveté de l’enfance aux perturbations de l’adolescence. On abandonne son cocon pour vivre des aventures plus palpitantes, mais aussi plus dangereuses.

C’est tout cela que nous fait revivre avec beaucoup de grâce Bastien Vivès. Son talent est évident sur le plan du dessin. À l’époque Polina était déjà bluffant, mais en le revoyant après Une soeur, on s’aperçoit tout de suite qu’il a beaucoup progressé – si, si c’est possible. Et c’est autant le cas sur le plan technique que sur celui des émotions. Cette façon de saisir les sentiments et les ambiances avec un trait qui le distingue, c’est du grand art. Ce talent transparaît notamment dans les regards ou dans leur absence.

C’est moi ? Oui. Pourquoi t’as pas fait le visage ? T’avais la tête penchée.

Il s’exprime aussi dans sa façon sensible d’amener les choses, de faire avancer son histoire par petites touches avec force et subtilité.

Tous les personnages sont là. Certains pourraient dire qu’ils sont stéréotypés, je les trouve très réussis.

  • Les parents qui font leur vie agrémentée d´apéros et de grillades sans trop se préoccuper des enfants.
  • Le petit frère ancré dans le monde de l’enfance et dont la préoccupation majeure est la pêche aux crabes.
  • Le protagoniste principal, un doux garçon aimant le dessin – et plutôt doué – qui s’apprête à faire son entrée dans le monde de l’adolescence. Il a comme un petit air de ressemblance avec l’auteur, mais je dois me tromper.
  • La fille, une jeune adolescente de 16 ans blonde et jolie dont les formes se sont affirmées. De plus, elle est dotée d’un tempérament audacieux qui ne gâte rien. Elle a quitté le monde de l’enfance, mais on peut observer des résurgences lorsqu’elle s’adonne à des jeux sur la plage ou à la résolution d’un puzzle.

Bastien Vivès immortalise avec Une soeur une tranche de vie sans voyeurisme ni puritanisme. Il y parvient avec une acuité impressionnante. Il distille de l’émotion à l’état pur déclenchée par une alchimie parfaite entre cette histoire et son dessin.


Bastien Vivès, Une soeur, Casterman, 2017, 212 p, Amazon.