“C’est la soumission” dit doucement Rediger. “L’idée renversante et simple, jamais exprimée auparavant avec cette force, que le sommet du bonheur humain réside dans la soumission la plus absolue.”
Quoi que l’on en dise, Michel Houellebecq s’assagit avec le temps – il vieillit peut-être ? Depuis maintenant deux romans, il devient plus consensuel et gomme petit à petit la violence et le sexe – il en reste tout de même un peu rassurez-vous – de ses ouvrages pour les rendre plus cérébraux – voir l’article consacré à son précédent roman, La carte et le territoire. Ceux qui parlent de Soumission comme d’un livre polémique n’ont rien compris.
Comme dans La possibilité d’une île, il utilise la forme du roman d’anticipation – bien que La possibilité d’une île se déroule dans un futur plus lointain et devrait plutôt être qualifié de science-fiction. C’est une forme qui est depuis longtemps utilisée pour dénoncer les dérives de systèmes politiques ou religieux 1984, Le Meilleur des mondes et Fahrenheit 451 en sont trois exemples devenus des classiques. Politique et religion sont précisément les deux thèmes principaux du livre auxquels il convient d’ajouter celui de la civilisation, le déclin de l’Occident face à l’Orient. Là où Bloc imagine l’élection à la présidence française d’un candidat du Front-National, Soumission consacre Mohammed Ben Abbes représentant la Fraternité musulmane.
Ce n’est plus le même angle d’attaque que dans Plateforme – qui est pourtant malheureusement terriblement d’actualité. Ici pas de dénigrement, pas d’insulte, tout est dans la douceur, la langueur, cette religion et le régime qui s’instaure – puisque les deux sont intimement liés – sont présentés comme le ferait un bon prosélyte, en trouvant les bons arguments. L’effet induit est intéressant et plus efficace qu’une vive critique. Le fond du roman est renforcé par une allégorie du cheminement de Huysmans vers la foi (le protagoniste de ce roman écrit à la première personne est un universitaire spécialiste de l’auteur).
Tout en souplesse on se laisse charmer par le talent de Houellebecq, son intelligence, son écriture. On se laisse griser par ce roman qui monte doucement à la tête comme un bon vin servi en continu lors d’un repas. C’est bon de se détendre et de s’abandonner à se délassement. Mais les lendemains sont parfois difficiles, les utopies d’un soir peuvent vite se transformer en dystopies.
Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 2015, 320 p, Amazon.