Je crois n’avoir jamais lu de romans d’Emmanuel Carrère et je crois me souvenir qu’il disait dans Le Royaume ne plus en écrire depuis longtemps – à la place il écrit de la non-fiction. Lorsque mes yeux se sont posés sur le mince volume de La moustache à la bibliothèque, je me suis dit que c’était l’occasion. A vrai dire, je l’aurais lu depuis longtemps, si le fait d’avoir vu l’adaptation au cinéma interprétée, en autre, par le magistral Vincent Lindon ne me faisait craindre de lire une histoire complètement déflorée. Mais le temps a passé et je ne me souviens à présent que de cet évènement qui est au coeur de l’histoire et qui concerne un des attributs les plus masculins qui soit: la moustache. Même si cette scène est très connue, je regrette de rater le plaisir de la découvrir en lisant le livre. Sachant cela, je me concentre sur l’écriture, sur l’ambiance et je me dis que c’est dommage qu’Emmanuel Carrère n’écrive pas plus de romans – il trouve certainement que la réalité est bien plus romanesque. Il a le ton juste, des phrases courtes, une belle écriture qui n’en fait pas trop tout en étant élégante. Pour tout dire, ce roman m’a fait penser à ceux de Jean-Philippe Toussaint pour le style avec une forte inspiration des romans de Philip K. Dick pour la manipulation de la réalité – ou des réalités – et le le côté paranoïaque du personnage. Ce n’est pas pour rien qu’il a écrit Je suis vivant et vous êtes morts.
Très enthousiaste pendant toute la première partie, j’ai trouvé la suite bien moins réussie que le début – c’est souvent le cas chez moi car je me lasse vite passé le plaisir de la découverte. Je confirme que je ne me souvenais pas du film car j’ai été très surpris par la fin – à moins qu’elle n’ait été adaptée différemment au cinéma.
Ce livre a été écrit dans les années 80, c’est une très bonne chose, je peine à m’imaginer ce que l’histoire aurait donné à l’époque des réseaux sociaux. Il aurait suffit de poster une question sur Facebook du genre “Hé les gars, je me suis rasé la stache” pour recevoir un flot de commentaires. Fini donc les questionnements, les doutes, les carnets d’adresses, les cabines téléphoniques, les photos que l’on ne retrouve plus, le fait qu’Agnès ne puisse pas prévenir tous les amis en même temps. Tout ça c’est du passé. A l’avenir, il va falloir se creuser la tête pour trouver des scenarios qui tiennent la route dans ce monde connecté.
Emmanuel Carrère, La moustache, P.O.L, 2005, 192 p, Amazon.