Je tournais autour depuis longtemps. J’ai souvent vu son visage jovial qui me faisait de l’oeil derrière les vitrines et j’ai fini par céder au festival de BD de Colomiers – je ne pouvais décemment pas repartir les mains vides. Après seulement quelques pages, je peux dire clairement que je ne regrette pas mon achat. En fait, en étant honnête, même avant de tourner les pages. A vrai dire dès le moment où je l’ai posé sur ma table de chevet j’étais content de posséder ce livre et je devais arborer a peu près le même sourire qu’Abdallah Kamanja sous son tarbouche.

C’est une BD où le graphisme géométrique est la première chose que l’on remarque et on ne peut qu’apprécier un tel raffinement, une telle épure qui ne néglige pas les détails – je sais c’est paradoxal, mais bien réel. La géométrie du graphisme permet également à Zeina Abirached d’innover dans le domaine de la mise en page, tout est savamment agencé – enchâssé parfois – pour fabriquer une expérience de lecture unique. Il est tellement évident, il s’impose si naturellement que j’allais presque oublier de parler du noir et blanc. L’absence de couleur n’est pas préjudiciable, au contraire, on ne peut tout simplement pas imaginer ce livre en couleur.

Comme tous nos livres français, c’était l’édition destinée à l’export d’un ouvrage scolaire publié en France. Pour réduire leur coût, ils étaient imprimés sur du papier très fin, à l’encre noire. Toutes les illustrations étaient donc en noir et blanc.

Si elle est très graphique cette BD n’en est pas moins musicale. La scène du café présente dès le début du livre illustre parfaitement ces deux aspects l’alliance d’une mise en page astucieuse et de l’introduction du son dans une bande dessinée. Le grand-père de la narratrice – et de l’auteur – était un passionné de musique qui a cherché toute sa vie à (re)produire sur un piano les sonorités orientales.

En parallèle, Zeina Abirached nous raconte une partie de sa vie, son départ du Liban et son installation en France. Ce récit semble être le prétexte pour dire combien ces deux pays sont proches, combien ils se ressemblent tout en étant foncièrement différents, ils se complètent en somme. Pour nous le rappeler et pour qu’ils ne s’éloignent pas, il faut des personnages comme Zeina et son grand-père qui construisent des ponts, tissent des liens. On ne peut pas s’empêcher de penser également à Marjane Satrapi – même si elles doivent en avoir assez qu’on les compare. Avec tout ça, je vais finir par tomber amoureux du Liban.


Zeina Abirached, Le piano oriental, Casterman, coll. “Ecritures”, 2015, 208 p, Amazon.