Je ne pense pas l’être tout le temps, mais cette fois c’est sûr, je ne vais pas être objectif. Il y a, pour l’instant, trois grandes périodes dans ma vie de lecteur de bandes dessinées. D’abord l’enfance avec Tintin un peu, Gaston Lagaffe beaucoup et surtout Astérix. Puis l’âge adulte avec des titres comme Maus ou Watchmen puis la découverte de ce que l’on appelle la bande dessinée indépendante. Et au milieu, une période d’adolescence dont la série emblématique est et restera Lanfeust de Troy. Je ne dois pas être le seul à avoir été marqué par cette série si l’on se réfère à deux indicateurs indirects: le prix de l’édition originale du premier tome (de 200 à 300 euros) et le budget du Racing Club Toulonnais (22 M€ en 2013).

Pourquoi a-t-elle rencontré un tel succès ? Peut-être parce que ses créateurs ont su appliquer les recettes du passé. Ne pourrait-on pas voir en Lanfeust de Troy un Asterix moderne ? Les similitudes sont pourtant nombreuses. Tout d’abord de très beaux dessins, appliqués, très fins aux décors précis fourmillants de détails. Ensuite, et même s’ils évoluent autour d’autres personnages, nous avons bien un couple de héros personnifié par Lanfeust et Hébus que nous pouvons allègrement comparer à nos deux gaulois. Comme Asterix, Lanfeust a besoin d’un produit dopant pour déchaîner toute sa puissance, il n’utilise pas une potion, mais le pouvoir du Magohamoth. Hébus lui est tombé dedans quand il était petit puisque c’est un Troll et qu’un Troll est un personnage très costaud avec une propension à distribuer des baffes, enfin plutôt des coups de gourdin bien violents ayant des conséquences bien plus gore que des petits oiseaux tournoyants autour de la tête des romains. N’oublions pas enfin un humour potache omniprésent – mais assumé – qui se manifeste entre autre comme chez Goscinny et Uderzo par un détournement des noms propres – cet exercice semble être devenu une tradition, un public joke. Je m’arrête là, mais je suis sûr qu’il y a matière à approfondir. Si un étudiant en littérature comparée cherche un sujet de thèse en voici un sortant des sentiers battus.

Lanfeust de Troy est donc, comme son ancêtre, une série grand public conçue pour le divertissement. Malgré ce côté classique, elle propose un univers de fantasy original et bien ficelé, le bestiaire est vraiment enthousiasmant et le système de magie convaincant. Cette série fait partie de celles que j’aime lire et relire et qui me redonne systématiquement le sourire. Comme tout amateur, j’ai mes moments préférés. A l’instar de la lecture d’un Tour de Gaule, je suis toujours impatient de relire Cixi impératrice avec sa visite au palais des dieux tous plus originaux les uns que les autres. Comme toutes les oeuvres populaires, cette série est dénigrée par certains. Je trouve au contraire qu’elle atteint parfaitement son objectif: donner du plaisir au lecteur. Bravo messieurs.


Christophe Arleston et Didier Tarquin, Lanfeust de Troy, Soleil, 2011, 46 p, Amazon.