Ce n’est pas le Journal d’un lecteur1, mais celui d’un parfumeur que je vous propose de découvrir. C’est un métier rare, mais ô combien précieux puisque l’objectif vers lequel il doit tendre est de faire naître des émotions – et non pas de faire vendre, ça c’est le boulot du marketing. En ce sens, il se rapproche de l’art, mais le savoir-faire qu’il requiert l’oblige à rester profondément encré dans l’artisanat.

C’est tout cela que nous raconte Jean-Claude Ellena dans son journal. Le parfumeur exclusif de la maison Hermès nous fait découvrir son métier, son quotidien, ses inspirations, mais aussi ses doutes.

Si j’ai une conscience aiguë de ce que je fais, je chéris le doute et l’entretiens : je ne connais rien de mieux pour créer.

Il aime aussi les mots et la lecture, il aime prendre le temps et ce court moment en sa compagnie est un vrai régal, une pause, une respiration. On aimerait l’accompagner lors de ses promenades à Cabris, sur les hauteurs de Grasse, où il a installé son atelier près de la source française du parfum et loin de l’agitation parisienne.

Il est difficile de saisir une odeur, de la capturer, de la conserver, de l’imaginer et encore moins de la retranscrire dans un journal. Une odeur est intrinsèquement insaisissable, fantasmée et c’est certainement cela qui la rend si attirante.

Mettre un nom sur une odeur ne suffit pas pour connaître son caractère, ses limites, ses possibilités. Avec une volonté d’ignorant qui veut tout apprendre, tout contrôler, tout mesurer, j’ai rempli des carnets de notes sur chacune d’elles. […] Les odeurs ne sont pas des Lego que l’on imbrique pour construire un parfum, mais des objets immatériels que je cherche à rendre intelligibles.

Ce journal est le témoignage sensible d’un grand professionnel sur son métier et sa passion, le parfum.

Quand l’odeur n’est plus liée au souvenir, qu’elle n’évoque plus les fleurs, les fruits, qu’elle est nue de tout sentiment, d’affect, elle devient alors matière du parfum.
Quand je ne peux plus la décrire, qu’elle a une consistance, une profondeur, une largeur, une épaisseur, quand elle devient tactile, que la seule représentation que j’en ai est physique, je peux la mettre en forme et créer.


Jean-Claude Ellena, Journal d’un parfumeur, Le Livre de Poche, 2012, 168 p, Amazon.


  1. Alberto Manguel, Journal d’un lecteur, traduit par Christine Le Boeuf, Actes Sud, 2006, 244 p, Amazon↩︎