On parle beaucoup de Sagan en ce moment. Ma grand-mère était une grande lectrice et aimait Sagan. Je me suis donc mis en quête de son plus célèbre roman Bonjour tristesse et je l’ai vite retrouvé dans sa bibliothèque. Le volume en question est une réédition pourvue d’une jaquette qui a un peu – beaucoup – vieilli, notamment la police de caractère utilisée pour le titre – elle ressemble un peu à du Comic Sans MS. Mais qu’importe, c’est le contenu qui prime.

Que dire si ce n’est que l’on est immédiatement plongé dans l’ambiance, immergé. Il n’y a pas de round d’observation, on est tout de suite dans cette histoire. On visualise la maison, la plage, le soleil, les vacances et cette période si particulière de la vie qu’est l’entrée dans l’âge adulte. Elle n’aurait jamais pu être aussi juste dans son roman si elle ne l’avait pas écrit à l’âge de 18 ans. Il faut y être en plein pour restituer avec tant de force et tant de justesse ce moment de la vie si chargé en émotions. On cite souvent L’attrape-coeurs comme le roman sur l’adolescence, Bonjour tristesse pourrait être celui de l’entrée dans l’âge adulte. Les excès, les passions, les emportements de la jeunesse, tout est là, écrit noir sur blanc. Ces tempêtes sont contrebalancées par la finesse avec laquelle Sagan analyse les comportements, la psychologie de ses personnages.

Elle ne sourit pas: elle ne souriait que quand elle en avait envie, jamais par décence, comme tout le monde.

La deuxième chose qui frappe lorsque l’on sait qu’elle l’a écrit à 18 ans, c’est l’écriture justement. Le talent est indéniable. Le roman est exempt des grossières erreurs de jeunesse qui consistent souvent à en faire trop, à vouloir tout prouver, mettre tout ce que l’on a dans ce premier jet. Les phrases sont courtes tout en étant souvent très belles. Les mots sont choisis, incisifs. Ils ont pris la patine du temps, elle leur ajoute un charme supplémentaire. Le même roman qui serait écrit aujourd’hui par une jeune fille avec autant de talent que Sagan n’emploierait pas du tout le même registre. Ce que Sagan raconte est éternel, mais la langue qu’elle utilise a disparu avec elle.

Sur ce sentiment inconnu, dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse.


Françoise Sagan, Bonjour tristesse, Julliard, 2008, 162 p, Amazon.