J’ai entendu parler de ce roman à la radio, en écoutant l’émission Le Masque et la Plume. L’excellent Arnaud Viviant en avait fait son coup de coeur de fin d’émission. Encore une fois, j’ai bien fait de l’écouter.
Derrière ce beau titre se cache un roman de zombie. Ce sujet de la culture populaire est en passe de devenir un sous-genre dans la littérature tant la production est importante dans ce domaine et le succès croissant. Après les vampires, c’est le zombie qui fait vendre – pourtant il fait quand même moins rêver. Les livres ou les bandes dessinées finissent adaptés en film ou en séries télé: The Walking dead, Je suis une légende ou encore World War Z pour en citer quelques-uns.
Ici c’est un peu différent. Le zombie est utilisé comme une allégorie du déclin accéléré de notre société, il symbolise une forme de dégénérescence de l’être humain. On peut aussi voir dans ce livre une relecture de Robinson Crusoé puisque le personnage principal se retrouve, après une soirée un peu trop arrosée – c’est fou ce qu’il peut arriver après ce genre de soirée –, seul au milieu des zombies. Il va, tel le célèbre naufragé, s’efforcer de survivre en organisant sa vie en solitaire avec les moyens du bord.
Vous ne connaissez pas l’auteur Pit Agarmen, c’est normal. Ne cherchez pas l’origine de ce nom étrange, non il n’est pas néerlandais ou danois, il s’agit d’un pseudonyme, l’anagramme de Martin Page qui a publié plusieurs livres aux éditions de l’Olivier. Ca paraît facile à dire lorsqu’on le sait, mais il faut avouer que ça se voit dans l’écriture. On sent très bien que l’auteur tient la route, il utilise des phrases courtes bien équilibrées et produit un texte très abouti qui fleure bon la littérature “blanche”.
Sachant cela on peut même voir dans ce livre un hommage à la littérature de genre. L’auteur de littérature “blanche” signe sous pseudonyme un ouvrage classé dans la littérature fantastique ou d’horreur et fait de son personnage principal un auteur de littérature rose, une autre littérature de genre.
La littérature de genre parle à ceux qui n’ont pas fait d’études, et qui ne font pas partie des élites. C’est un moyen de faire passer des choses en contrebande.
Martin Page, via son double Pit Agarmem, utilise a merveille les zombies pour produire un roman de grande qualité, intéressant, mais aussi paradoxalement très beau malgré la présence peu ragoutante des zombies. Merci monsieur Viviant pour cet excellent conseil que je relaie bien modestement.
Pit Agarmen, La nuit a dévoré le monde, Robert Laffont, coll. « Roman », 2012, 230 p, Amazon.