Pour la deuxième fois, le Goncourt est remporté par Actes Sud. La maison d’édition d’Arles ne pouvait rêver mieux pour inaugurer ses nouvelles couvertures qu’un beau bandeau rouge siglé du Graal de la littérature française. Elles ne sont plus illustrées, mais affichent l’austérité qui est devenu l’apanage des prestigieuses collections des grandes maisons comme Gallimard ou Grasset. La seule concession au conformiste concerne le format plus étroit que les standards qui devenu au fil du temps la marque de fabrique de la maison. Mais parlons du livre et de son auteur Jérôme Ferrari. Ce professeur de philosophie avait déjà fait parler de lui avec son précédent roman Où j’ai laissé mon âme1 traitant de la torture en Algérie. L’Algérie où il a enseigné, il en est question dans ce livre, mais ce n’est pas le théatre principal du roman. Il se déroule sur les lieux d’une autre de ses affectations : la Corse.

L’histoire est celle de deux jeunes hommes. Ils sont amis depuis l’enfance et vont saisir une occasion de réaliser leur rêve. Il est simple, ils cherchent le bonheur, créer quelque chose et vivre simplement sur cette île qui leur est si chère. L’occasion se présente sous l’apparence d’un bar. Oui un bar, un simple bar de village comme il en existe beaucoup – et malheureusement de moins en moins. Un repère de chasseurs et de poivrots où viennent parfois se perdre quelques touristes en manque de couleur locale – ou en quête d’un jambon-beurre. Ils veulent faire de ce lieu de rencontre un endroit ou chacun sera heureux où le bonheur régnera. Bref, une utopie à l’échelle d’un bistrot. En marge de cette trame principale le lecteur découvrira également la généalogie assez chargée de l’un des deux protagonistes.

L’écriture de Jérôme Ferrari est belle et travaillée, parfois lyrique. En ce sens, il se rapproche du précédent Goncourt de la maison, le grandiloquent Laurent Gaudé avec Le soleil des Scorta2. Les phrases sont étonnamment longues à tel point que cette tendance pourrait paraître anachronique à l’époque des phrases courtes et du rapide. Il est à signaler que ce choix ne nuit en aucun cas à la compréhension du texte. Les mots, choisis avec soin, ébranlent le lecteur et frappent fort. Le roman lui n’est pas long et se lit d’une traite tant l’histoire est prenante. L’entrelac de l’histoire du bar et des histoires de famille alimentent le lecteur en permanence, lecteur qui n’a d’autre choix que de tourner les pages. Il ne faut pas se laisser effrayer par le professeur de philosophie et les références à Saint Augustin. Ce roman reste très accessible et la connaissance de ces références n’est pas indispensable à la compréhension de ce texte finalement très abordable.

P.-S.: Merci à celle qui m’a offert ce livre pour Noël 2013 :-]


Jérôme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome, Actes Sud, 2012, 208 p, Amazon.


  1. Jérôme Ferrari, Où j’ai laissé mon âme, Actes Sud, 2010, 153 p, Amazon↩︎

  2. Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta, Actes Sud, 2005, Amazon↩︎