Une fois n’est pas coutume, – et je vais faire plaisir à Olivier Mannoni, le traducteur de Martin Suter et ancien président de l’ATLF (Association des Traducteurs Littéraires de France), qui avait écrit un commentaire en réponse à mon billet consacré au Diable de Milan – je vais débuter cet article en parlant traduction. Dans Une fille, qui danse, c’est d’abord la virgule figurant dans le titre qui m’a interpelé lorsque j’ai observé la couverture. Ensuite, j’y ai repensé et me suis interrogé sur son sens lors de la lecture. Il semblait seulement faire écho à un épisode anecdotique du livre – après tout pourquoi pas. Lorsque j’ai reposé le livre une fois terminé, cette question du titre m’agaçait encore l’esprit et j’ai donc vérifié ce qu’il donnait dans sa version originale – cette fois, je savais sans le moindre doute qu’il s’agissait d’une traduction – : The sense of an ending. Il n’y a pas besoin d’être très doué en anglais pour s’apercevoir que ces deux titres n’ont rien à voir. Pour en parler qui est mieux placé que le traducteur lui-même, Jean-Pierre Aoustin, que nous avons la chance de lire sur le blog de l’ATLF – tiens nous y revenons, désolé j’ai coupé deux commentaires car je ne voulais pas trop en dévoiler sur l’intrigue :
Le titre anglais est The Sense of an Ending, qui signifie au moins deux choses : “le sentiment d’une fin […]” et “la raison d’une mort […]” … Pourquoi est-ce devenu Une fille, qui danse ? J’avais proposé plusieurs autres titres, dont “Dénouement ” ou “Le Dénouement d’une vie”, mais l’éditrice n’aimait pas trop ça. Finalement, c’est l’auteur lui-même qui a décidé de choisir quelque chose de complètement différent, et proposé A Girl, dancing, parce qu’il y a, en effet, une scène où Veronica (le personnage féminin principal) danse, pour une fois, dans la chambre d’étudiant du narrateur.
J’ai donc dû m’incliner. Et il est vrai que, comme dit Barnes lui-même dans une interview, “chaque livre a quinze titres possibles” (et il ajoute : “je ne m’accroche pas particulièrement au titre anglais originel”). Intéressant non ? Mais je vais clore – pour l’instant – le chapitre traduction pour en revenir à ce livre qui est un roman sur la mémoire.
Ce dernier souvenir n’est pas quelque chose que j’ai réellement vu, mais ce qui reste finalement en mémoire n’est pas toujours ce dont on a été témoin.
Celle d’un homme mûr qui revient sur son passé et plus spécifiquement sur ses jeunes années. Le livre est découpé en deux grandes parties. Dans la première, le narrateur évoque ses années de lycéen, les amis et les filles ou plutôt la fille. Dans la deuxième partie, il est au crépuscule de sa vie – plus prosaïquement à la retraite – et en fait le bilan. Le constat est assez mitigé, celui d’une vie simple, mais agréable disons moyenne, sans grande réussite ni grand échec. Enfin ce constat était vrai avant qu’il ne soit rattrapé par son passé sous la forme d’une lettre écrite dans sa jeunesse qui va remettre en cause l’édifice de la mémoire et, par ricochet, le bilan de sa vie.
Pour en revenir à la traduction – le fil rouge de ce billet –, je l’ai trouvée particulièrement réussie, c’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à en parler – la question du titre n’est qu’un prétexte intéressant, mais seulement un prétexte pour la mettre en valeur. Le texte est vraiment bien écrit, une vraie réussite, bravo monsieur Aoustin – en disant cela, j’espère ne pas vexer Julian Barnes qui y est certainement pour quelque chose lui aussi. Quant au roman je l’ai beaucoup apprécié également même si j’ai trouvé les deux grandes parties inégales. La première est passionnante alors que la seconde l’est moins malgré un dénouement à suspense qui ne la sauve pas vraiment.
P.-S.: Merci à celle qui m’a offert ce livre :}
Julian Barnes, Une fille, qui danse, traduit par Jean-Pierre Aoustin, Mercure de France, 2013, 208 p, Amazon.