Cette fois, c’est ma fille qui s’en charge. Je peux vous confirmer qu’elle est très qualifiée pour ce travail car elle possède depuis son plus jeune âge un doudou Hippopotame. Il – enfin dans les faits il sont trois, l’officiel et ses doublures mais chut, il ne faut pas le dire – est très originalement prénommé Hippo. Elle l’adore et ne le quitte pas. A ce titre, elle est certainement l’une des personnes ayant passé le plus de temps en compagnie d’un Hippopotame – je compte les nuits évidemment. Côté Hippo, elle s’y connait et côté livres aussi puisqu’elle en découvre quelques-uns et apprécie tout particulièrement – mis à part le fait de mordre et de tordre les pages – de les lire le soir après son repas. Par contre, côté écriture elle ne remplit pas les conditions requises pour ce poste puisqu’elle ne parle pas encore. Je vais donc lui servir d’interprète et retranscrire de la manière la plus fidèle possible ses impressions.

Dès l’ouverture de l’enveloppe, la première impression est positive, elle écarquille les yeux et tend la main afin de se saisir au plus vite du nouvel objet venant de faire son apparition dans son champ de vision. Le livre compte un grand nombre de pages (36) et l’édition est de très bonne facture, de belles pages cartonnées dotées d’une finition glacée – vous aurez compris que ce n’est pas elle qui fait ce commentaire, ni elle qui apprécie le côté facile à nettoyer du carton glacé. Ce qui est un avantage en général pour un livre imprimé, lui complique pour l’instant la vie car le poids du livre s’en ressent et il est difficile pour elle de le tenir à bout de bras. Ce gabarit imposant, digne d’un hippopotame, se révèle par contre d’une efficacité redoutable lorsqu’il s’agit de lester le livre sur la tablette d’une chaise haute, elle peut alors tourner les pages d’une seule main sans que le livre ne bouge. Je tiens à préciser que le livre reste toutefois très maniable et qu’il s’agit d’une réédition dans un format plus compact que l’original. Elle semble avoir apprécié le contenu, même si elle a mis un peu de temps a retrouver la silhouette de son compagnon sous cette forme stylisée que l’on croirait tout droit sorti d’une exposition d’art moderne. C’est un point positif est une approche résolument moderne pour ce qui sera la gimmick de tout le livre puisque Janick Coat va mettre en scène cet Hippo minimaliste dans toute une game de situations. Nous avons d’abord cru à une oeuvre monochromatique, mais il n’en est rien même si le rouge présent sur la couverture demeure la couleur dominante.

Après un premier passage à tourner les pages frénétiquement jusqu’à atteindre la fin du livre à vitesse grand V, nous reprenons calmement la lecture depuis le début pour prendre pleinement la mesure du concept du livre. Mon hippopotame est un livre de contraires qui est un sous-genre célèbre de l’imagier, un classique du genre dans la littérature enfantine. Le principe est simple, il s’agit d’illustrer en une double page une chose et son contraire. Tout le jeu de ce livre est de le faire en mettant en scène le même hippopotame représenté par le même dessin. Ma fille est encore petite elle a donc été séduite par les contrastes marqués, un grand opposé bien franc comme “clair / sombre” ou un jeu de texture à toucher “doux / rugueux”. Mais ce qui l’a vraiment intrigué est l’opposition “net / flou”, l’effet d’optique du flou est vraiment très réussi et surprenant – même pour les adultes. Un contraire m’a fait particulièrement sourire comme “face / profil” où le pauvre Hippo se retrouve de profil a l’état d’un simple trait – ma fille est restée de marbre. Cette première lecture est déjà intéressante, mais ce n’est que la première car il donnera lieu à de nombreuses autres qui seront nécessaires à la compréhension des concepts plus complexes à appréhender comme “positif / négatif” ou ne présentant pas un visuel spectaculaire comme “singulier / pluriel”.

Ce livre est d’abord un très bel objet, l’édition est d’une qualité irréprochable, les dessins sont nets et précis et les couleurs vives et brillantes. Le parti pris d’un dessin très stylisé et minimaliste n’est pas si courant dans la littérature jeunesse et permet à l’enfant de s’imprégner d’une représentation différente, beaucoup plus abstraite, du réel. Enfin, le choix des contraires et leurs illustrations est bien étagé. Des cas simples permettent à l’enfant de comprendre le concept alors que d’autres leur donneront du fil à retordre pendant quelques temps – je pense que sourire à la blague de l’hippopotame de profil prendra du temps. En conclusion, un livre pour enfant qui a le mérite de moderniser un concept vieux comme le monde qui conserve ici toute son efficacité.

Je remercie les éditions Autrement ainsi que Babelio de m’avoir fait parvenir ce livre dans le cadre du programme Masse critique.


Janik Coat, Mon hippopotame, Editions Autrement, coll. « Jeunesse / Albums », 2013, 36 p, Amazon.