Dans le cadre d’une association, Emmanuel Lepage, accompagné d’autres personnes (artistes et journalistes) a entrepris le plus terrible des voyages. Un voyage l’amenant cette fois sur les terres de la désolation (il est l’auteur d’un précédent ouvrage consacré aux Terres Australes et Antarctiques Françaises intitulé Voyage aux îles de la Désolation1), celles qui furent le théâtre de la plus grande catastrophe nucléaire: la région de Tchernobyl et la ville voisine de Prypiat.
Ce document relate ce voyage, des premiers doutes, des peurs aux surprises qui l’attendent. Emmanuel Lepage est dessinateur et ça tombe bien. C’est par le dessin et pour notre plus grand plaisir qu’il va nous faire vivre son aventure. On se rend compte que la BD est un support idéal pour un reportage. Elle combine les avantages de l’image et de l’écrit. Elle permet de montrer des choses concrètement mais aussi de faire passer des émotions. Il est moins évident de combiner ces deux facettes dans un livre ou un film documentaire. Il parvient ainsi à faire ressentir au lecteur ce sentiment étrange se situant entre la peur et la curiosité.
La peur est omniprésente, on connaît les effets de la radioactivité, cette pollution qui n’apparaît qu’au travers du “tic, tic” du dosimètre. La curiosité est grande de découvrir ces lieux dont on a tant parlé, désormais désertés. Ces villes qui étaient le fleuron de l’URSS, on les découvre fantômes, vidées de leurs habitants, laissées à l’abandon depuis 1986.
Il est intriguant de savoir comment elles ont évolué livrées à la nature. Les auteurs de SF et les réalisateurs ont souvent imaginé ce que serait une ville post-apocalyptique mais là ce n’est plus de la fiction, c’est la réalité qui s’étale devant nos yeux. C’est bien le terrible réacteur n°4 entouré de son sarcophage que l’on distingue au loin et qui surplombe le mémorial aux victimes de Tchernobyl.
La question principale demeure, est-ce que la vie a repris ses droits ? Qu’est-il advenu de la nature et des populations locales ? Et c’est certainement ici que nous attend la plus grande surprise. A ce moment, le trait du dessinateur, qu’il disait raide à cause d’un problème à la main – peut-être que l’angoisse du voyage n’y était pas étrangère –, va peu à peu se fluidifier et le monochrome va être ravivé par l’ajout de la couleur.
Un immense coup de coeur – comme on n’en a pas beaucoup dans une année – pour ce livre esthétiquement splendide. Il constitue un témoignage passionnant et humain sur l’après catastrophe. A lire de toute urgence.
A lire aussi: Fukushima: Récit d’un désastre.
Emmanuel Lepage, Un printemps à Tchernobyl, Futuropolis, 2012, 168 p, Amazon.