Une documentaliste, Anna, est chargée par l’IAS (Institute for Advanced Study) de Princeton de récupérer les archives de Kurt Gödel, son Nachlass. Pour ce faire, elle va devoir amadouer le cerbère qui les garde, Adèle la veuve du célèbre logicien et mathématicien.

Le récit se déroule sur deux plans temporels. Le présent relate les relations entre Adèle et Anna et la vie privée de cette dernière – pas très réjouissante. Le passé, au travers des souvenirs d’Adèle, raconte une vie aux côtés du génie Kurt Gödel – pas très réjouissante. Les deux récits ne sont pas d’un intérêt égal.

Le premier est très convenu et finalement peu intéressant. Le dialogue entre une vielle acariâtre et une jeune mal dans sa peau toutes deux confrontées à des intellectuels est un peu fatiguant à la longue. L’angle d’attaque est intéressant et original mais il se transforme en une partie bien trop longue où l’on croit revoir Tatie Danielle – en moins drôle.

Mon ultime luxe est de proférer des horreurs. Ceux qui apprécient prennent cela pour de la sagesse, les autres pour de la sénilité.

Le second, consacré à Gödel, est bien plus réussi. On découvre la vie de ce personnage hors-norme qui s’est promené toute sa vie au bord du gouffre de la folie pour finir par y sombrer complètement. Pourtant, en monomaniaque, sa vie n’a pas été très rock ’n’ roll elle a été consacrée toute entière à sa passion pour une discipline dont la plupart des gens ne perçoivent même pas l’intérêt. Evidemment, l’histoire de ce couple que tout oppose est touchante: le génie et la fille de cabaret. Ce long naufrage à côté du trou noir Kurt Gödel qui a aspiré peu à peu la vie d’une fille qui débordait pourtant d’énergie pour la laisser seule, dévastée. Enfin, le point d’orgue du livre, la partie la plus enthousiasmante, est le récit des années de relatif bonheur vécues pendant la grande période Princeton. A cette époque il était possible de croiser sur le campus de l’université quelques-uns des grands génies du XXème siècle : Oppenheimer, Dirac, von Neumann, Nash, Einstein et Gödel. La guerre les avait rassemblés. Le livre dépeint notamment un Albert Einstein rayonnant, exubérant et distrait l’exact opposé de son grand ami l’ombrageux, taciturne et maniaque Kurt Gödel.

Seules deux choses sont infinies, Adèle. L’univers et la stupidité de l’homme. Et encore, je ne suis pas certain de l’infinité de l’univers !

Très enthousiaste lorsque j’ai acheté ce livre, je ne cache pas une légère déception.

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Yannick Grannec, La déesse des petites victoires, Anne Carrière, 2012, 468 p, Amazon.