Richard Phillips Feynman est un physicien contemporain de Einstein et de von Neumann qui a reçu le prix Nobel en 1965 pour son travail sur l’électrodynamique quantique. Je vous l’apprends peut-être car je dois avouer que je ne le connaissais pas avant de lire cette BD qui lui est consacrée. Vous imaginez déjà le récit monotone d’un homme de science travaillant sur des sujets complètement incompréhensibles pour le commun des mortels. Eh bien pas du tout – enfin si un peu quand même car les sujets sont complexes mais nous y reviendrons.

Feynman était quelqu’un de vraiment très brillant, pas un besogneux monomaniaque mais un esprit vif s’intéressant à tous les sujets. En plus de la mécanique quantique qui est son sujet de prédilection, il était musicien et peintre, participa au développement de la bombe atomique, fut membre de la commission d’enquête sur l’accident de la navette spatiale Challenger, écrivit de nombreux livres et donna des cours et conférences.

Il est un personnage hors du commun pour ses qualités intellectuelles et son activité mais aussi pour son comportement qui dénotait – ou détonait – au sein du petit monde de la physique. Cette personnalité originale est particulièrement bien mise en lumière dans cette bande dessinée. Est-ce le média qui s’y prête ? Oui, bien-sûr, mais il faut du talent pour parvenir à retranscrire un regard malin et pétillant, une attitude différente, profondément anticonformiste entre nonchalance et fulgurance. Mais il ne faut pas s’y tromper, cette réussite ne tient pas qu’à cela, elle est aussi due aux moments choisis, à la mise en scène qui distinguent cette oeuvre d’une biographie académique. Ce choix nous épargne une linéarité ennuyeuse et nous donne l’impression de connaître cet homme.

Les auteurs n’ont pas résisté au plaisir de participer au grand défi de Feynman : rendre ses travaux compréhensibles pour le plus grand nombre; autrement dit faire de la vulgarisation – même si je trouve ce mot péjoratif. Et lorsque l’on connaît le sujet, ce n’est pas gagné. Il est vrai que les grands scientifiques, notamment en physique et en mathématique, sont incapables d’expliquer leurs travaux à des personnes, même instruites, extérieures à leur cercle restreint. Feynman voulait dépasser ce clivage et a beaucoup oeuvré pour y parvenir.

Les auteurs consacrent de nombreuses pages à cette tentative et apportent leur pierre à l’édifice en illustrant les propos du physicien – un petit dessin vaut mieux qu’un long discours. Lorsque l’on sait que Feynman utilisait ce qu’il appelait “des petits crobars” dans ses calculs et qu’il s’intéressait beaucoup à l’art et en particulier à la peinture (il a pratiqué et suivi des cours), on se rend compte à quel point le dessin est ici pertinent. Alors que dans Logicomix, dont le sujet est comparable (biographie du mathématicien, logicien et philosophe Bertrand Russell), le dessin n’était qu’accessoire, ici il aide à comprendre un homme et son travail. Une lecture à la fois enrichissante et divertissante que je conseille sans réserve – sauf si vous êtes vraiment allergique à la physique.


Jim Ottaviani et Leland Myrick, Feynman, Vuibert, 2012, 266 p, Amazon.