Que peut-il se passer un samedi dans la vie d’un neurochirurgien ? Ne vous attendez pas, comme chez le docteur House, à une succession de cas cliniques plus improbables les uns que les autres. Le samedi est un jour de repos même chez les demi-dieux que sont les neurochirurgiens. Henry va donc le consacrer à deux choses très importantes: lui-même et sa famille. Il a donc prévu de prendre tout d’abord un peu de temps pour lui en allant jouer au squash puis de consacrer le reste de la journée aux préparatifs du repas du soir auquel toute la famille est conviée. Sa femme et son fils vivant avec lui mais aussi et surtout son beau-père, un poète, et enfin sa fille résidant à l’étranger pour ses études. Bien évidemment, rien ne va se passer comme prévu à commencer par une nuit écourtée.
En se donnant comme contrainte temporelle pour son roman la journée, Ian McEwan réduit la durée de l’histoire rendant ainsi hommage à ses illustres prédécesseurs: Joyce et Woolf. Il ne s’interdit pas toutefois, au gré des événements et par le truchement des pensées du personnage principal, de se mouvoir hors de ce cadre pour explorer un univers bien plus vaste. Bien au contraire, il semble même s’être fixé comme objectif de passer en revue plus ou moins tout ce qui fait la vie d’un homme (la journée symbolise le cycle de la vie, nous naissons le matin et mourrons le soir) : l’amour, la famille, le travail, la fin de la vie, la naissance, la guerre et la violence. C’est cette dernière qui débarque avec fracas et détruit tout sur son passage. Au sein de notre société occidentale prospère, règlementée, ordonnée et policée, la violence fait figure d’anachronisme, nous avons l’illusion qu’elle n’y a plus sa place et nous ne sommes plus armés pour y répondre. Pourtant, et malgré tout les efforts déployés, elle existe toujours car elle est intrinsèquement liée à l’homme, encrée au plus profond de lui. Avec ce Samedi, Ian McEwan a produit une oeuvre aboutie sans artifice. Il démontre qu’il est possible d’écrire une fiction vivante et intéressante tout en abordant les problématiques fondamentales de notre société contemporaine.
Ian McEwan, Samedi, traduit par France Camus-Pichon, Gallimard, coll. « Folio », 2008, 384 p, Amazon.