La guerre d’Alan est la retranscription en bande dessinée du récit d’Alan Ingram Cope, un jeune soldat de l’armée des Etats-Unis, pendant la deuxième guerre mondiale. Ce travail a été réalisé par Emmanuel Guibert à qui l’on doit notamment la très bonne série Le Photographe. Le dessin est simple, beau et épuré fait de traits proches de la ligne claire peints au lavis sépia. Cette technique, en plus de donner un résultat magnifique, procure un sensation de calme et de sérénité et donne un côté agréablement vieilli à l’ensemble.

La narration reproduit fidèlement les digressions qu’à dû employer Alan Ingram Cope en racontant son histoire (il y a souvent des sauts dans le temps). Ce procédé renforce l’impression que l’histoire est réellement racontée par la personne d’une manière un peu désordonnée donc naturelle. Dans la première partie, la naïveté du personnage à la frontière de l’âge adulte est parfaitement retranscrite grâce aux textes habilement tournés.

Quant à moi, je n’avais aucune idée de ce c’était que Pearl Harbor. Je n’avais pas le temps de lire le journal avant de le livrer.

Ce roman graphique met en avant le brassage culturel engendré par la mobilisation militaire liée à la guerre. Il s’emploie à nous décrire les amitiés extrêmement fortes qui pouvaient se nouer dans de tels contextes de déracinement total. Les amitiés avec les camarades mais aussi celles nouées avec la population locale baignée dans une culture très différente. Le récit est construit comme une suite d’anecdotes tantôt cocasses tantôt plus sérieuses mais toujours intéressantes et sincères, comme celles que raconterait un grand-père à son petit-fils.

Attention, ce n’est pas un récit de guerre classique où l’on se trouve plongé dans l’enfer des batailles, le sang et l’horreur. Alan a la chance de poser le pied sur le territoire français le jour de ses 20 ans, le 19 février 1945. A cette période, la guerre est pratiquement terminée et la mission qui va être confiée à sa compagnie revêt un caractère bien particulier. Le récit se poursuit ensuite jusqu’aux vieux jours d’Alan. Il retrace sa vie ou une partie – une partie est volontairement occultée – et nous suivons avec intérêt le cheminement de ce jeune homme vers l’âge adulte, les choix qu’il devra faire et les rencontres qui changeront sa vie.

Je n’avais pas vécu la vie de la personne que je suis. J’avais vécu la vie de la personne que l’on voulait que je sois, c’est différent.

Un roman graphique de très grande qualité beau, riche et sensible à lire sans hésitation.

Il est publié en trois tomes ainsi qu’en édition intégrale par l’Association.


Emmanuel Guibert, La guerre d’Alan : D’après les souvenirs d’Alan Ingram Cope, L’Association, 2012, 298 p, Amazon.