Oh mon Dieu deux blogueurs BD ont fusionné pour donner naissance à un joli livre tout rose intitulé La page blanche. Le titre fait moins référence à la célèbre peur de l’écrivain ou du dessinateur qu’à la perte de mémoire, l’amnésie qui ne laisse qu’un vide. Combien d’histoires ont été écrites sur ce trouble tellement perturbant pour l’être humain ? Ne pas savoir qui l’on est, d’où l’on vient nous est parfaitement insupportable et nous empêche de savoir où l’on va. C’est donc un sujet de choix pour un conteur d’histoires. Dans ce type de récit elle progresse dans deux sens chronologiquement opposés. Plus elle avance dans le temps et plus le passé se révèle à la lumière des évènements vécus par le personnage. La protagoniste est une jeune fille perdue, seule sur un banc qui ne cesse d’écarquiller les yeux et de regarder en tout sens en se demandant non seulement ce qu’elle fait là mais mais qui elle est. Boulet – dont j’apprécie tout particulièrement le travail – est au scénario pendant que Pénélope Bagieu – dont je découvre l’oeuvre – s’occupe des dessins. Ces derniers sont tout à fait dans le style de Pénélope Bagieu – normal me direz-vous mais on aime ou on aime pas – et les couleurs sont un peu trop présentes, trop marquées à mon goût.
L’histoire est très centrée sur la jeune héroïne et n’utilise pas d’autres perspectives. Par conséquent, il y a très peu d’interaction avec les autres puisqu’elle ne connaît personne et beaucoup d’introspection sur pas grand chose puisqu’elle ne se souvient de rien. Ce choix rend le récit un peu monotone malgré quelques bonnes trouvailles. Pourtant, l’allégorie sur la vacuité de la vie des personnes “comme tout le monde” et le nivellement de la culture est intéressante. Ils regardent les mêmes séries télé et les mêmes films, écoutent la même musique, lisent les mêmes livres – souvent le dernier Marc Levy –, ont chez eux les mêmes meubles Ikea – mais si, vous savez ce meuble rouge en ferraille style vestiaire – et les mêmes objets qui ne servent à rien de chez Nature & Découvertes – souvent des cadeaux de quelqu’un qui ne savait pas quoi acheter –; ils ont les mêmes conversations – qui portent principalement sur les éléments précités – dans des bars et les poursuivent en rentrant chez eux sur Facebook. Ce que nous dit cette BD, c’est que cette vie est tellement fade qu’elle finit par disparaître. Parviendra-t-elle à nous sauver de cette fatalité ?
Boulet et Pénélope Bagieu, La page Blanche, Delcourt, 2012, 208 p, Amazon.