J’avais lu un peu partout qu’il s’agissait d’un livre très noir. J’ai pris cet avertissement à la légère en me disant que j’en avais vu d’autres: American Psycho et les livres de James Ellroy sont deux exemples qui me viennent à l’esprit. Et puis Sukkwan island est quand même publié par les éditions Gallmeister, grands spécialistes du genre nature writing qui n’a pas pour caractéristique principale de raconter des histoires sordides. Je suis donc parti confiant et même un brin moqueur envers ceux qui s’offusquaient de la noirceur de ce roman. Il faut bien avouer que j’ai été surpris. Tout avait pourtant bien commencé. Un père et son fils partent sur une île emménager dans une cabane pour passer un bout de temps ensemble – enfin assez longtemps à vrai dire. Ce qui paraît plutôt pas mal sympa dit comme ça. Mais, dès les premiers temps, vont apparaître quelques signes n’augurant rien de bon.
Il faut le dire tout de suite tout ceci est très bien fait, le prix Médicis étranger 2010 n’est pas usurpé. Les signes annonciateurs, l’instabilité des personnages, l’ambiance pesante, tout est parfaitement bien retranscrit et vous arrive en plein dans l’estomac. Ce qui est un résultat admirable sur un plan technique – est-ce dû à l’utilisation opportune du courant de conscience – est aussi un peu dur à encaisser. C’est le genre d’histoire difficile à digérer dans lesquelles on peut appréhender de se replonger. Heureusement, la souffrance ne sera pas trop longue, l’auteur ne nous torture que pendant à peine plus de 200 pages. Si vous cherchez une aventure bucolique du vaillant père et de son jeune fils renforçant leurs liens en se frottant à la dure mais belle mère nature, ce n’est pas vers ce livre qu’il faut vous tourner. Ne considérez cependant pas mes propos comme négatifs. L’expérience est très intéressante et le livre a le très grand mérite d’oser, de raconter autre chose autrement – il n’est pas près d’être adapté par un studio de cinéma américain. Rien que pour cela, il mérite toute notre considération.
David Vann, Sukkwan Island, traduit par Laura Derajinski, Gallmeister, 2011, 199 p, Amazon.