Curiosity shop est aussi le titre d’un roman de Charles Dickens – pour être exact The Old Curiosity Shop qui a été traduit en français par Le Magasin d’antiquités. Le romancier s’était inspiré de la boutique éponyme qui existe toujours à Londres mais qui est devenue depuis un magasin de chaussures. Le livre de Dickens raconte l’histoire d’une jeune orpheline vivant en compagnie de son grand-père dans le fameux magasin. Voilà déjà quelques similitudes avec notre BD. La jeune héroïne de cette série est depuis son plus jeune âge une fervente lectrice de Dickens au grand dam de son père, un ingénieur extrêmement cultivé, qui préférerait qu’elle lise du Platon. Alors qu’elle s’apprête à rentrer chez elle après un long séjour en pension, elle apprend avec effroi qu’il vient de mourir. Sans sa mère, partie depuis longtemps, elle se retrouve orpheline. De retour chez elle pour assister à l’enterrement, certains détails et indices lui mettent la puce à l’oreille, son père n’est peut-être pas mort. C’est peut-être une mise en scène qu’il a orchestré pour se mettre à l’abri d’un danger lié à son travail et à ses recherches. Ou est-ce simplement les divagations d’une jeune fille à l’esprit un peu trop romanesque ? En tout cas, elle est bien résolue à suivre cette piste et se lance à corps perdu dans l’aventure.
Comme l’indique le titre de ce tome, l’histoire se déroule en 1914 dans une une Espagne secouée par les débuts de la guerre. Entre les atermoiements liées à l’engagement du pays dans ce conflit et son activité militaire au sein de ses colonies, la situation politique est tendue. Notre jeune héroïne va se retrouver livrée à elle même dans ce Madrid de tous les dangers. Ce personnage féminin qui n’a pas froid aux yeux et qui sait prendre des coups me fait immanquablement penser à Navïs l’héroïne de Sillage – d’ailleurs elles se ressemblent un peu physiquement. Pour continuer dans les comparaisons et même si le sujet n’est pas tout à fait comparable, je n’ai pu m’empêcher de penser à L’ombre du Vent. L’Espagne – bien que la majorité de l’intrigue se déroule à Madrid et non à Barcelone –, l’ambiance générale, le contexte politique difficile et le magasin m’ont rappelé le livre à succès de Carlos Ruiz Zafón.
Il y a beaucoup d’action et un peu trop de personnages dès le début – je ne dois pas avoir une mémoire visuelle car j’ai eu un peu de mal à m’y retrouver. Malgré ce léger manque de clarté, c’est une bonne BD mainstream qui satisfera les fans de belles jeunes filles, de vieux objets, d’énigmes, de cryptographie, d’ésotérisme, d’immortalité, de l’histoire juive – vous voyez il y en a pour tous les goûts. C’est une série qui allie l’action et l’aventure – et peut-être même une histoire d’amour – à un fond assez dense souligné par de nombreuses références. Côté graphique, on en prend plein les yeux. Les dessins sont superbes, très modernes et dynamiques et parfaitement mis en avant par une mise en couleur très réussie. Enfin, c’est assez rare pour le souligner, ce sont deux femmes – des compatriotes de Juanjo Guarnido – qui réalisent le scénario et les dessins de cette série.
Je remercie les éditions Glénat ainsi que Babelio de m’avoir fait parvenir ce livre dans le cadre du programme Masse critique.